L’ergonomie au cœur de l’avenir du travail hybride

Instauré aussi bien que possible en début de pandémie, le télétravail semble destiné à évoluer de plus en plus vers un modèle hybride, dans lequel le personnel partagera son temps entre le bureau et le domicile.

Comme ce modèle permet de combiner les avantages du travail à distance et ceux du présentiel tant pour les employés que pour les employeurs, il peut constituer un atout certain pour les entreprises.

Mais cette façon de fonctionner nécessite une réorganisation et la mise au point d’une politique de travail claire, selon Me Caroline Jodoin, avocate senior chez Norton Rose Fulbright, et Patrick Vincent, ergonome certifié et président de Vincent Ergonomie, qui ont discuté de la question à l’occasion lors de notre panel sur le sujet.

Visionnez le panel ici :

Une transformation organisationnelle pour un modèle hybride réussi

Selon Statistique Canada, quelque 39 % des emplois pourraient être exercés à domicile. Cependant, la faisabilité varie selon différents facteurs, dont le secteur d’activité.

  • Par exemple, environ 85 % des emplois dans les secteurs de la finance, des assurances ou des services techniques pourraient être exercés à distance, tandis que seulement 6 % de ceux des secteurs de la restauration et de l’hébergement présenteraient cette possibilité.
  • En ce qui concerne les préférences des nouveaux télétravailleurs (ceux qui le sont en raison de la crise sanitaire), une fois la pandémie terminée, 80 % souhaiteraient accomplir au moins la moitié de leurs tâches à distance.
  • Les 20 % restants préféreraient les effectuer en totalité ou en majeure partie à l’extérieur de leur domicile.

Devant ces chiffres, on comprend qu’il pourrait s’avérer judicieux de solliciter la participation des employés à la mise au point des modalités du travail hybride. Celles-ci seraient alors plus susceptibles de s’adapter à leurs différents besoins, mais aussi de mieux contribuer à leur productivité, à leur santé et à leur sécurité. Elles pourraient en outre permettre d’éviter quelques écueils liés à la gestion de l’équipe.

En matière d’horaire, tandis que certaines entreprises pourront exiger de leurs employés une présence selon un nombre de jours hebdomadaires ou mensuels établi, d’autres préféreront :

  • éviter un trop grand achalandage dans leurs locaux en déterminant des journées fixes de présentiel par équipes;
  • accorder davantage de liberté à leurs travailleurs en leur demandant d’être sur place seulement lors de rencontres spécifiques.

Dans tous les cas, l’important, selon Me Jodoin, est bien sûr d’émettre des directives claires à l’intention des employés et de les consigner par écrit.

Sur le plan pratique, Patrick Vincent ajoute que la formule hybride représente davantage que le simple partage de son temps entre la maison et le bureau :

« Cela exige de revoir de fond en comble les processus et les moyens à déployer pour assurer la productivité et l’efficacité. On a qu’à parler du transfert d’expertise et de la formation de la main-d’œuvre. Arrêter un collègue dans le corridor pour lui poser une question est beaucoup moins formel que de le faire par courriel. Bref, le travail peut en être affecté. »

Réaménager les bureaux pour favoriser la collaboration

En matière de santé et de sécurité, tant l’employeur que l’employé sont responsables de veiller à l’ergonomie du poste de travail. Aussi importe-t-il de clarifier les obligations de chacun.

« Quels que soient les aménagements mis en place, il est crucial de tout mettre par écrit dans les politiques d’entreprise, indique Me Jodoin. On était dans l’urgence (à l’arrivée de la pandémie), on a fait ce qu’on pouvait et on s’est très bien débrouillé. (Maintenant), il est temps de rebâtir des bases, de revoir ce qu’on a fait et d’officialiser le tout. »

« Un élément important dans l’organisation du modèle de travail hybride est l’idée de réduire le pourcentage de postes de travail pour y (intégrer) différents types d’aménagements, notamment (pour favoriser) les interactions ou la collaboration », souligne Patrick Vincent.

Des espaces communs qui, s’ils sont moins utiles en pandémie, prendront tout leur sens lorsque les mesures sanitaires ne seront plus considérées comme nécessaires.

« Réduire le nombre de postes tient au fait que ceux-ci seront partagés, d’où l’importance de les rendre encore plus ergonomiques, ajustables, poursuit l’expert. Le manque d’adaptation des postes peut faire augmenter le risque de troubles musculosquelettiques. »

Mais si un entrepreneur peut avoir une bonne idée de ses installations et de son matériel, comment peut-il vérifier ceux de ses télétravailleurs? Selon Me Jodoin, « il faut prévoir un mécanisme pour vérifier les conditions de travail de l’employé à la maison ».

Elle suggère pour ce faire d’intégrer dans la politique une ou des façons d’effectuer un « audit de l’installation », par exemple :

  • par des vérifications ponctuelles au domicile de l’employé (à des dates entendues avec lui, avec son consentement);
  • par des visites virtuelles de l’installation de la personne par visioconférence, pendant lesquelles on peut discuter avec elle des mesures qu’elle a mises en place pour rendre son bureau plus ergonomique et conforme à ses besoins;
  • par la demande de photos de l’espace de travail des membres de l’équipe.

Rester productifs et efficaces

Parmi un groupe de télétravailleurs sondé en 2021 par Statistique Canada, environ le tiers (32 %) s’estimait plus productif à distance qu’en présentiel. Cependant, productivité et efficacité ne vont pas toujours de pair.

Une personne peut accomplir plus rapidement son travail à la maison, mais si elle n’est pas guidée adéquatement, elle risque de faire fausse route et de devoir reprendre sa tâche. Il pourrait donc s’avérer judicieux d’offrir à ses employés des aménagements qui favorisent la communication et, pourquoi pas, d’organiser les horaires afin que les membres d’une même équipe puissent se réunir de façon régulière.

Non seulement ces mesures participeront-elles à accroître leur efficacité, mais elles feront en sorte qu’ils seront plus heureux de revenir sur place dans un modèle hybride.

En somme, l’hybridité ne se résume pas à établir un horaire de travail en présentiel. Elle nécessite de prendre le temps de repenser peu à peu l’organisation du travail afin de l’adapter à l’évolution des différents enjeux – psychologiques, physiques, opérationnels et de recrutement – du monde professionnel.

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