Télétravail et travail hybride : comment gérer les questions d’équité

Jean-François Bertholet enseigne à HEC Montréal depuis plus de 10 ans, en plus d’être auteur pour la revue Gestion et consultant en développement organisationnel.

Rose-Marie Charest est psychologue, auteure et conférencière. Elle a présidé l’Ordre des psychologues de 1998 à 2015, poste qu’elle a quitté pour se consacrer à sa carrière de communicatrice.

Alors que le retour au bureau en présentiel à 100 % ou en mode hybride s’amorce pour certains employés, d’autres auront le privilège de pouvoir poursuivre le télétravail à long terme.

Les recruteurs, les gestionnaires et les chefs d’entreprises devront alors gérer les questions d’équité au sein de leurs équipes en télétravail et de celles au bureau à temps plein ou à temps partiel.

En effet, même en présence d’une politique claire, les employés qui seront en présentiel seront toujours enclins à se comparer à leurs collègues qui travaillent à domicile. Alors, comment gérer les différences entre les télétravailleurs et les travailleurs hybrides?

1 – Faire preuve d’empathie et être solidaire en tant que gestionnaire

L’empathie est une qualité importante dans le monde du travail, et encore plus pour créer un environnement équitable.

Pour accroître l’acceptabilité commune, les membres du personnel (employés et gestionnaires) qui profitent d’avantages doivent donc veiller à faire preuve d’empathie envers leurs collègues. Sinon, ils risquent de s’attirer les foudres de leurs collègues qui ne profitent pas des mêmes avantages.

Les gestionnaires doivent également prêcher par l’exemple. Jean-François Bertholet, spécialiste du monde du travail et du développement du leadership, cite le cas d’un gestionnaire d’un service hospitalier qui est en télétravail et discute avec les infirmières en étant confortablement assis sans sa cuisine avec son café.

Ce comportement risque d’être mal perçu par ses collaborateurs qui auront l’impression que leur patron est déconnecté de la réalité.

Certes, les gestionnaires auront droit de continuer à travailler de la maison, mais ils devront aussi se rendre au bureau. « Ça va démontrer de l’empathie et de la compréhension de ce que font les gens sur le terrain », pense M. Bertholet.

2 – Rester vigilant face au sentiment d’injustice

Le phénomène n’est pas nouveau : les employés qui n’ont pas les mêmes avantages au sein d’une organisation ressentent habituellement de l’injustice. Par exemple, les employés trouveraient probablement injuste qu’un de leurs collègues soit autorisé à travailler, sans raison apparente, depuis la Floride pendant l’hiver.

Même avec une préparation minutieuse, ainsi que des politiques claires et connues de tous, les gestionnaires doivent rester attentifs à tout sentiment d’injustice. Sa surveillance devrait même être une constante sur le tableau de bord de la bonne santé d’une entreprise.

Le sentiment d’injustice perçu par un employé peut entraîner des pertes financières importantes de plusieurs façons :

« Quand les gens ont un sentiment d’injustice, ils se “remboursent” ou se vengent de plein de façons. Par exemple, certains salariés volent du temps. Dans leur tête, ils ne volent pas du temps, ils se remboursent », observe M. Bertholet.

3 – Éviter d’obliger tout le monde à revenir au bureau sous prétexte de solidarité

Pour éviter les sentiments d’injustice, certains gestionnaires peuvent être tentés de rappeler tout le monde au bureau en invoquant des motifs d’équité et de solidarité. Cependant, ce n’est pas la meilleure solution.

« Ce serait comme dire : “Je ne peux pas aller à la fête, donc on annule la fête” », affirme M. Bertholet.

Cette décision radicale risque de créer d’autres problèmes, tels qu’une diminution du taux de rétention des employés.

4 – Établir en équipe une liste de critères

Pour aider les gestionnaires dans leur prise de décisions, Rose-Marie Charest, psychologue et conférencière, recommande d’établir une liste de critères à appliquer et de déterminer ceux qui ont plus de poids que les autres.

Mais cette grille d’analyse ne doit pas être élaborée uniquement par les membres de la haute direction. Elle doit constituer un projet commun, et tous les employés, télétravailleurs ou non, doivent y participer.

« Si les employés ont été mis à contribution dans l’évaluation des critères, le gestionnaire se retrouve moins seul. Il est également plus facile d’appliquer la grille, car elle est connue et reconnue par toute l’organisation. », avance Mme Charest.

5 – Différencier la déontologie de l’éthique, mais faire appliquer les deux

Dans leur gestion quotidienne, pour prendre des décisions éclairées, les gestionnaires devront jongler entre :

  • Ce qui est déontologique : soit l’ensemble des règles et des devoirs qui régissent une profession, la conduite de ceux qui l’exercent, les rapports entre ceux-ci et leurs clients et le public. (Extrait du Larousse)
  • Ce qui est éthique : soit l’ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un. (Extrait du Larousse)

Mme Charest résume les deux concepts comme suit : « En déontologie, on sait qu’on a le droit de faire ceci et qu’on n’a pas le droit de faire cela. C’est écrit dans le code. En éthique, on doit toujours se dire : “si je donne ceci, cela aura telle conséquence” ».

Ainsi, le gestionnaire devra être capable d’analyser les données et le comportement de ses collaborateurs pour constamment maintenir l’équilibre entre télétravailleurs et travailleurs hybrides.

6 – Réfléchir à de nouveaux avantages dès maintenant

M. Bertholet reconnaît qu’il est difficile d’éliminer à la source toutes les injustices :

« Comme le disait Gandhi : “Si l’on pratique le principe d’œil pour œil, dent pour dent, le monde entier sera bientôt aveugle et édenté” ».

Toutefois, les gestionnaires peuvent poser certains gestes pour s’assurer de ne pas créer de situations manifestement déraisonnables au sein de leurs équipes. Pour rééquilibrer la balance, les ressources qui doivent se rendre régulièrement au bureau pourraient ainsi bénéficier d’un certain nombre d’avantages, comme :

  • Choisir en premier les dates de vacances;
  • Être consulté en premier sur les modalités de la fête de Noël du bureau.

Avant la pandémie, certains travailleurs, notamment ceux travaillant de nuit ou dans le Grand Nord, recevaient une rémunération supplémentaire en guise de dédommagement.

Dans certaines organisations, un système semblable pourrait être appliqué. Par exemple, les employés devant se rendre souvent au bureau recevraient une allocation pour payer leurs frais de transport ou encore toucheraient un meilleur salaire.

7 – Revoir ses modèles traditionnels pour s’adapter à la nouvelle réalité

Pour gérer efficacement les différences entre le télétravail et le travail hybride, les gestionnaires devront revoir les modèles traditionnels et créer des modèles spécifiques pour certains types d’employés.

À titre d’exemple, les collaborateurs d’une organisation qui partent bientôt à la retraite seraient admissibles à un programme qui leur permettrait de travailler dans le Sud à condition de respecter certaines conditions, comme :

  • Ne plus être admissibles aux assurances collectives;
  • Être disponible un certain nombre d’heures par semaine;
  • Être rémunéré différemment des autres salariés.

En résumé, les gestionnaires ont besoin de deux éléments pour maintenir l’équilibre et gérer efficacement les différences entre les télétravailleurs et les travailleurs hybrides.

1) Des outils concrets comme :

  • Des politiques claires;
  • Des codes déontologiques;
  • Des listes de critères;

2) L’acquisition de plusieurs compétences comportementales (ou soft skills en anglais) telles que :

  • l’humilité;
  • la vigilance;
  • ou encore l’ouverture d’esprit.

Et vous? Comment comptez-vous gérer les différences entre vos télétravailleurs et les employés en présentiel?

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