Télétravail et vie privée : comment garder des frontières claires?

Conseiller en ressources humaines agréé (CRHA) et président de KI-AI! Conseils RH

Les préoccupations relatives à la déconnexion n’ont pas débuté avec la pandémie. Avant 2020, il n’était pas rare que les employés répondent à leurs courriels professionnels les soirs et les fins de semaine. Mais avec la mise en place massive du télétravail, la frontière entre le travail et la vie privée est devenue de plus en plus floue. Cela a rendu la déconnexion encore plus difficile.

Il est donc crucial, à la fois pour l’employeur et pour le travailleur, d’adopter des méthodes et des pratiques de travail claires qui facilitent la démarcation entre le travail et la vie privée.

Il importe bien sûr de préciser que certains types d’emploi exigent des interventions sporadiques à l’extérieur de l’horaire normal de travail, selon le secteur d’activités de l’entreprise et l’urgence de la situation.

L’organisation de l’espace de travail

« L’ordinateur est à proximité, dans la cuisine, le salon ou la chambre, et il est facile d’y accéder aussitôt qu’une nouvelle idée émerge. Il n’y a plus cette distance physique qui existait avant le confinement », constate Patrick Dufault, conseiller en ressources humaines agréé (CRHA) et président de KI-AI! Conseils RH, une firme de conseils en ressources humaines de Longueuil.

Or, il existe plusieurs solutions pour offrir une bonne conciliation travail-vie personnelle à vos télétravailleurs.

La déconnexion et les obligations des employeurs

Si le droit à la déconnexion — la liberté des employés de ne pas répondre aux courriels ou aux appels professionnels après les heures normales de travail — est reconnu juridiquement dans certains pays de l’Union européenne, ce n’est pas le cas au Québec.

Cependant, selon Patrick Dufault, la réglementation en place suffit à encadrer la déconnexion chez l’ensemble des travailleurs.

Actuellement, les lois, les règlements et les normes qui régissent le travail, comme la Loi sur la santé et la sécurité du travail, fixent plusieurs obligations aux employeurs, même ceux qui ont des télétravailleurs dans leurs rangs :

    • ne pas solliciter les employés en dehors des heures de travail;
    • mettre en place des politiques, des normes et des valeurs de comportement;
    • assurer la santé et la sécurité de ses employés.

Les bonnes pratiques

Même si les heures supplémentaires ont longtemps été signe de productivité, les employeurs doivent encourager la déconnexion de leurs employés, gage de mieux-être, estime le spécialiste en ressources humaines.

Sans nécessairement définir précisément les paramètres ou la durée de la déconnexion, ils doivent faire en sorte que l’employé ait l’espace et le temps requis pour se reposer, se ressourcer et retrouver son énergie. « Comme un athlète professionnel qui a besoin de repos et de recul avant de performer », ajoute l’expert.

Souvent, le problème réside dans la latitude dont disposent certains travailleurs quant à l’organisation du travail au regard des obligations familiales ou personnelles lorsqu’ils exécutent leurs tâches en télétravail. Cette nouvelle réalité nécessite des apprentissages tant pour l’employeur que pour le travailleur, ce qui justifie de mettre en place de bonnes pratiques, parmi lesquelles :

1- Éviter de communiquer avec les employés en dehors des heures de travail

Premier réflexe : éviter d’envoyer des courriels ou des messages textes à vos collaborateurs en dehors des heures normales de travail.

« Certaines organisations ont un réel problème de déconnexion qui est souvent engendré par les gestionnaires qui communiquent à tout moment avec leurs employés pour leur donner de l’information ou les tenir au courant d’une décision », avance Patrick Dufault.

Difficile pour un employé d’ignorer un message direct venant de son supérieur. Pourtant, en dehors des heures de travail, il ne pourra pas réagir immédiatement. Les communications impromptues ne sont donc pas très efficaces sur le plan de la productivité.

Il n’est pas toujours possible de filtrer ou de bloquer toute l’information qui peut être transmise par des personnes extérieures à l’organisation. On peut donc aussi demander au travailleur de ne pas utiliser la boîte de courriels de l’entreprise le soir et les fins de semaine, par exemple.

2- Établir des objectifs journaliers clairs et atteignables

Les gestionnaires devraient également faire preuve d’une plus grande souplesse dans la réalisation des objectifs. Par exemple, vous pourriez convenir d’objectifs journaliers ou hebdomadaires à réaliser avec vos équipes.

« On peut finir la journée en faisant le point sur les objectifs atteints et probablement une liste de tâches à effectuer le lendemain (ou dans la semaine) », ajoute l’expert.

Attention : les objectifs doivent être réalistes et ne pas obliger l’ensemble de l’effectif à faire des heures supplémentaires non prévues.

3- Prêcher par l’exemple

Les gestionnaires ont tout intérêt à montrer l’exemple aux autres membres de l’équipe pour les encourager à ne pas traiter de dossiers en dehors des heures habituelles de travail.

Toutefois, certains postes et types de fonctions ne peuvent répondre à une norme stricte. Il faut donc trouver des moyens pour harmoniser le tout dans le respect des obligations de chacun.

Par exemple, si un employeur permet à son employé de travailler en dehors de ses heures habituelles, l’employé doit pouvoir envoyer des courriels et accéder aux outils de travail.

Il importe alors que les balises soient clairement définies et comprises par tous afin d’atteindre un juste équilibre dans le traitement des travailleurs et dans le respect de l’horaire convenu avec l’employeur. Ainsi, les employés pourront décrocher à la fin de leur journée de travail sans ressentir de culpabilité.

4- Surveiller l’activité des employés (sans les espionner)

À distance, il n’est pas facile de savoir si les employés respectent les mesures de déconnexion ou leurs horaires de travail. Toutefois, les outils collaboratifs permettent de voir l’historique des connexions faites par les utilisateurs.

Si vous vous servez de tels outils, vous pouvez avoir un portrait un peu plus fidèle de la situation et, le cas échéant, intervenir.

Par ailleurs, indique Patrick Dufault, certaines entreprises ont instauré un protocole de fermeture des serveurs à des heures prédéterminées. Les employés ne peuvent ainsi pas avoir accès aux fichiers de leur organisation la fin de semaine.

Pour éviter de surcharger les équipes, des entreprises ont également fixé un nombre maximum de réunions virtuelles quotidiennes tandis que d’autres ont instauré une journée par semaine sans rencontre.

5- Donner des trucs

En tant qu’employeur, vous pouvez donner plusieurs trucs à vos employés pour les inciter à se déconnecter.

  • Encouragez-les à ranger leur équipement de travail à la fin de la journée. « De la même façon qu’on se prépare à travailler le matin (prendre son café, s’habiller, etc.), on crée une routine pour mettre fin à la période de télétravail », conseille Patrick Dufault.
  • Rappelez-leur que tracer une frontière entre les sphères professionnelle et personnelle grâce à la mise en place d’activités de transition, comme le sport ou un autre loisir.

Chaque entreprise doit organiser le travail selon les solutions qu’elle priorise et qui répondent à la réalité de l’organisation. Il n’y a pas de recette miracle.

Il faut faire preuve de créativité pour gérer cette nouvelle réalité et trouver le bon équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.

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