« Il est essentiel de démêler ce qui est une vraie demande d’un simple souhait »
Le déséquilibre des rapports entre gestionnaires et employé∙e∙s, un enjeu lié à la pénurie de main-d’œuvre, continue de marquer le marché du travail et de bouleverser les façons de faire au sein des PME.
Pour la présidente du Réseau Annie RH et spécialiste en gestion des ressources humaines Annie Boilard, il existe des pistes de solutions pratiques pour les gestionnaires, et les perspectives économiques de l’année 2023 pourraient corriger quelque peu la situation.
« Le déséquilibre qui existe présentement entre employeur et employé∙e∙s est dû principalement à la pénurie de main-d’œuvre; une situation qui donne beaucoup de pouvoir de négociation aux employé∙e∙s, souligne Annie Boilard. D’un point de point de vue macro, la pénurie de main-d’œuvre va perdurer jusqu’en 2030, mais certaines réalités économiques, comme la récession qu’on anticipe en 2023, viendront transférer un peu le pouvoir du côté de l’employeur. »
Un retour du balancier en 2023?
D’ici 2030, deux tendances lourdes continueront de marquer l’évolution du marché du travail au Québec :
- le déficit en matière de ressources humaines;
- la nécessité de porter une attention particulière aux ressources humaines en entreprise.
Mais la récession qui s’annonce en 2023 pourrait contribuer à un certain retour à l’équilibre, estime Annie Boilard.
« Ce ne sera pas un équilibre parfait pour autant. La situation va continuer de favoriser les employé∙e∙s, mais ils∙elles vont perdre un peu de pouvoir à cause de la situation économique. Les employeurs vont probablement recevoir un peu moins de demandes d’accommodement comme la semaine de quatre jours payés pour cinq. »
Par ailleurs, le Réseau Annie RH qui contribue à faciliter le recrutement pour des postes en ressources humaines, constate que le nombre de candidatures pour ces emplois est plus nombreux qu’avant.
Au Québec, le nombre de postes vacants a diminué de 12 % au quatrième trimestre.
« J’anticipe un peu plus de flexibilité de la part des employé∙e∙s au cours des prochains mois. À titre d’exemple, je m’attends à ce que les gens soient un peu plus d’accord avec l’idée de travailler en présentiel dans un contexte hybride. De plus, à moyen terme, il serait logique que la pénurie de main-d’œuvre pousse les entreprises vers l’automatisation et l’intelligence artificielle. »
Des gestionnaires poussés au sommet de leur art
La pénurie de main-d’œuvre force les gestionnaires et les dirigeant·e∙s à être au sommet de leur art. Selon Annie Boilard, la situation les pousse à optimiser leur potentiel pour devenir de meilleurs capitaines.
« Au Québec, on veut avoir de bons leaders, on veut avoir de bons climats de travail, on veut des employé∙e∙s qui sont satisfaits; on veut tout ça dans notre société. En 2023, en entreprise on parle de faire confiance aux équipes, on parle de flexibilité et de bienveillance. »
Les employé∙e∙s ont raison de vouloir travailler avec des leaders bienveillant∙e∙s et d’avoir des patron∙ne∙s qui s’intéressent à eux et qui veillent au développement de leurs équipes, affirme madame Boilard.
Annie Boilard reconnaît que les attentes des employé∙e∙s sont très élevées et vont au-delà des attentes de « bon boss », et que cela peut devenir difficile pour les entreprises.
« L’enjeu, c’est d’arriver à mettre tout cela ensemble et d’harmoniser les nouvelles demandes et les nouveaux programmes tels que la semaine de quatre jours payés pour cinq, les vacances illimitées, les « tracances » ou encore les demandes consécutives d’augmentation salariale dans une même année. Toutes ces initiatives, notamment lorsqu’elles sont combinées, coûtent cher et risquent de mettre en péril l’équilibre financier de certaines entreprises.
Astuces pour rééquilibrer la relation entre l’entreprise et le personnel
La première étape demeure de se rapprocher de ses équipes, de tisser des liens avec elles, de créer un climat de confiance et d’adopter un style de gestion flexible et bienveillant.
Par la suite, selon Annie Boilard, certains gestionnaires ont intérêt à éviter de prendre de façon personnelle les demandes d’employé∙e∙s.
« Certains gestionnaires veulent tellement être aimés par leurs employé∙e∙s que chaque fois qu’ils font face à une revendication, ils le prennent comme une flèche au cœur. D’autres, qui ne se sentent pas appréciés à 100 %, vivent cette situation comme un rejet. À ces gestionnaires, je recommande de se construire une petite carapace et de ne pas en faire une affaire personnelle. »
Ensuite, pour la spécialiste RH, il est essentiel de démêler ce qui est une vraie demande de ce qui est simplement un souhait.
« Ce n’est pas parce qu’un∙e employé∙e dit souhaiter la semaine de quatre jours payés pour cinq que cela devient nécessairement une demande officielle et que, devant un refus, cette personne va nécessairement quitter son emploi. »
Face à ce genre de demandes, le∙la patron∙ne peut très bien dire non en expliquant que l’entreprise n’a pas les moyens d’adopter un tel programme. « Il y a des demandes qui vont devoir être refusées par l’employeur. Au Québec, en ce moment, ce n’est pas vrai que la majorité des entreprises offre la semaine de quatre jours payés pour cinq. »
Leadership de proximité : la clé
Finalement, Annie Boilard rappelle que les entreprises dites modernes et au goût du jour ont une caractéristique en commun : elles adoptent un style de leadership basé sur la proximité, la confiance, la bienveillance et la flexibilité.
« Exercer un leadership de proximité au sein d’une entreprise, ça ne coûte rien! »
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