Droit à la déconnexion en télétravail : les bonnes pratiques à adopter
Alors que la France a légiféré en 2017 au sujet du droit à la déconnexion, le sujet demeure un concept au Québec. Mais, même sans loi, les entreprises d’ici devraient-elles agir par précaution?
Le recours massif au télétravail a confirmé qu’il était possible d’accomplir certaines tâches professionnelles à l’extérieur du milieu de travail habituel. Néanmoins, ce mode de fonctionnement a également contribué à modifier les habitudes des employés, certains tendant de plus en plus vers « l’hyperconnectivité », c’est-à-dire être disponible presque en tout temps grâce aux technologies de l’information et de la communication.
Qu’elle soit due à un élan de dévouement, au désir de répondre aux besoins des clients, à la volonté de répondre rapidement aux collègues ou à toute autre raison, cette situation peut représenter un risque pour les employés et les entreprises si elle se poursuit.
Pourquoi s’intéresser à la déconnexion?
Avant la pandémie, plusieurs chercheurs avaient déjà commencé à étudier le phénomène de l’hyperconnectivité et de ce qui apparaissait de plus en plus comme une nécessité de poser des limites à la connexion. Entre autres, l’Association américaine de psychologie avait publié en 2017, une étude[1] indiquant que :
- 28 % des 3 500 personnes sondées regardaient constamment leur courriel de travail durant leurs journées de congé.
- Ces personnes établissaient leur niveau de stress à six sur une échelle de dix.
- Près des deux tiers des Américains, soit 65 %, étaient assez ou fortement d’accord pour dire qu’il était important pour leur santé mentale de se « débrancher » ou de faire une « désintoxication numérique » périodiquement.
- Cependant, seulement 28 % d’entre eux déclaraient l’avoir fait.
Sachant que nos milieux de travail présentent des similarités à ceux de nos voisins du sud, et compte tenu de la compréhension grandissante des conséquences d’une trop grande consommation d’écran sur la santé physique, notamment en matière de sédentarité et d’hygiène du sommeil, et des effets sur la santé mentale, les gestionnaires ont tout intérêt à entreprendre une réflexion.
Après tout, ce sont eux qui sont les mieux placés pour prendre des mesures adaptées aux particularités de leur milieu de travail.
Adopter ou non une politique de déconnexion?
« En certaines circonstances, il peut y avoir des avantages à implanter une politique de déconnexion qui viendrait réaffirmer les droits et les obligations de tout un chacun. Cela peut même devenir un outil de recrutement et de fidélisation des employés », indique Me Georges Samoisette Fournier, MBA, CRHA, du cabinet d’avocats BCF.
Toutefois, cela dépend aussi du domaine dans lequel évolue chaque entreprise. Par exemple, un cabinet de services professionnels aurait plus avantage, selon l’avocat, à étudier la question puisque ses employés ont recours aux technologies de l’information et de la communication dans le cadre de leur travail.
En comparaison, implanter une politique de déconnexion n’aurait pas ou très peu de valeur ajoutée pour des employés d’usine dont les tâches ne supposent pas l’utilisation d’une boîte courriel régulièrement.
Mais, une politique de déconnexion n’est pas non plus une panacée; il existe aussi d’autres options. « Une politique, c’est un outil parmi tant d’autres. Les décideurs et les gestionnaires peuvent aussi agir en faisant de la sensibilisation et de l’éducation auprès de leurs équipes.
Par exemple, il pourrait être suffisant d’encadrer les communications et de rappeler quels sont les courriels qui nécessitent une réponse rapide et ceux qui peuvent attendre, bref de dissocier l’urgent de l’important », mentionne Me Samoisette Fournier.
Quelques idées à considérer dans l’immédiat
Que votre entreprise ait statué ou non sur la création d’une politique de déconnexion, d’autres mesures peuvent déjà être mises en place. Entre autres :
- Ajouter une note au bas des courriels des employés indiquant que, en dehors de l’horaire normal, ceux-ci répondront de manière sporadique ou ne répondront pas;
- Encourager les employés à limiter l’envoi de courriels entre eux lors des congés, des fins de semaine ou en dehors des heures ouvrables, par exemple en utilisant l’option de transmission en différé;
- Implanter des dispositifs de gestion des logiciels de l’entreprise, comme bloquer l’accès aux courriels les soirs et les fins de semaine (divers aménagements étant possibles selon les particularités de chaque milieu de travail).
En somme, c’est dans l’intérêt de tous de garder intacte la frontière entre le temps de travail et le temps personnel, peu importe le contexte professionnel, et de se permettre de ne pas être joignable en tout temps.
[1] Stress in America : Coping with Change, American Psychology Association
https://www.apa.org/news/press/releases/stress/2017/technology-social-media.pdf