Le recrutement et les exigences de l’utilisation de la langue française

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10 novembre 2023

Forte de plus de 33 ans d’expérience en relations de travail et en santé et sécurité au travail, Me Marie-Claude Perreault est membre de l’Ordre des conseillers en ressources humaines et en relations industrielles agréés du Québec (CHRA/CRIA). Avocate chevronnée en droit du travail, Mme Perreault a développé une grande expertise dans tous les volets du droit du travail et de la santé et de la sécurité du travail d’abord comme associée d’un grand cabinet juridique, puis à titre de vice-présidente aux ressources humaines, santé-sécurité au travail et affaires juridiques (Can-USA) d’une société publique. 

En vertu de la loi 14, de nouvelles responsabilités incombent aux entreprises. En effet, pour contrer le déclin du français dans la province, le gouvernement du Québec a entre autres instauré une loi intitulée Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Entérinée officiellement le 1er juin 2022, la législation impose de nouvelles obligations aux entreprises, notamment l’emploi du français comme langue de travail. 

Ce devoir se décline de différentes façons. Notamment, l’entreprise se doit de diffuser en français toute offre d’emploi, mutation ou promotion, de rédiger tout contrat dans la langue de Molière et d’employer la langue française dans tous ses documents et dans toutes ses communications écrites. Un·e employeur·euse peut communiquer dans une autre langue seulement lorsque son employé·e lui en fait la demande. Cela vaut également pour la version écrite du contrat, mais uniquement après que le·la travailleur·euse ait pris connaissance de la version française. 

Exigences linguistiques : que dit la loi? 

Force est de constater que depuis au moins deux décennies, la plupart des offres d’emplois demandent, voire exigent, une bonne connaissance de l’anglais ou même un bilinguisme parfait. Il faut dire que de plus en plus d’entreprises transigent avec des partenaires internationaux. 

Néanmoins, en vertu de la nouvelle législation, les gestionnaires et propriétaires d’entreprise ne peuvent plus faire cette demande automatiquement, sans avoir évalué leurs besoins réels. En effet, selon l’article 46 : «Il est interdit à un·e employeur·euse d’exiger d’une personne, pour qu’elle puisse rester en poste ou y accéder, notamment par recrutement, embauche, mutation ou promotion, la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que la langue officielle, à moins que l’accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance; même alors, il·elle doit, au préalable, avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter d’imposer une telle exigence. »

« L’employeur·euse qui exige la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une autre langue que la langue officielle pour accéder à un poste doit, lorsqu’il·elle diffuse une offre visant à pourvoir ce poste, y indiquer les motifs justifiant cette exigence. »

Besoin d’une pluralité linguistique? Voici comment faire 

Est-ce donc à dire qu’une organisation ne peut demander d’un·e candidat·e ou d’un·e employé·e qu’il·elle soit bilingue ou qu’il·elle possède une bonne connaissance de l’anglais? Bien sûr que non, mais il y a des nuances, comme nous l’explique Me Marie-Claude Perreault, vice-présidente – Travail, santé, sécurité et affaires juridiques pour le Conseil du patronat du Québec.  

« Pour s’assurer de bien répondre à son obligation, l’employeur·euse doit prendre tous les moyens à sa disposition pour éviter d’imposer une langue autre que le français. Pour ce faire, il·elle doit notamment procéder à une analyse sérieuse et documentée des besoins linguistiques réels associés aux tâches qui doivent être accomplies. Il·elle doit s’être assuré·e que les connaissances linguistiques déjà exigées des autres membres du personnel sont insuffisantes pour permettre l’accomplissement des tâches. L’employeur·euse doit aussi avoir restreint le plus possible le nombre de postes au sein de son entreprise, auxquels se rattachent des tâches dont l’accomplissement nécessite la connaissance d’une autre langue », explique l’avocate. 

Fourni par Me Perreault, un bon exemple serait d’indiquer dans une offre d’emploi :  

« Très bonne maîtrise du français et de l’anglais, autant à l’oral qu’à l’écrit. La connaissance de la langue anglaise est demandée puisque le poste nécessite de transiger avec des client·e s du monde entier. » 

5 bonnes manières de procéder  

La nouvelle loi peut paraître restrictive ou difficile à appliquer pour certaines organisations. Mais dresser un portrait réel de votre entreprise en ce qui a trait à l’utilisation du français simplifiera l’exercice de vous conformer à ces exigences législatives.   

D’ailleurs, selon Me Perreault, voici quelques pratiques que les gestionnaires, propriétaires d’entreprise et responsables des ressources humaines devraient garder à l’esprit : 

  • S’assurer de mener à bien la démarche de francisation (pour les entreprises qui y sont assujetties). Cette démarche se veut un diagnostic de la situation linguistique de l’entreprise. À cet effet, l’Office québécois de la langue française offre des services d’accompagnement aux entreprises.
     
  • Se doter d’une politique linguistique affirmant clairement que le français est la langue de travail dans l’entreprise, dans le respect du droit des travailleur·euse·s d’exercer leurs activités en français.
     
  • S’assurer que tous les documents visés par la Charte de la langue française soient rédigés en français : offres d’emploi, communications écrites destinées au personnel, contrats individuels de travail, formulaires de demandes d’emploi, documents ayant trait aux conditions de travail, documents de formation.
     
  • Intégrer la francisation dans la gestion de la santé et de la sécurité au travail, et ce, pour diminuer le risque d’accidents de travail.
     
  • Enfin, modifier la politique de l’entreprise sur le harcèlement de façon à ce qu’elle interdise le harcèlement en matière de langue de travail. 

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