« En mars 2020, on a été projetés dans le 21e siècle »
Entrevue avec Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec (CPQ)
Arrivé à la tête du CPQ en plein confinement en juin dernier, Karl Blackburn a dû plonger dans son nouveau rôle… en télétravail. Une réalité pour laquelle le Conseil du patronat du Québec s’est engagé à accompagner les employeurs, les gestionnaires et les employés. Le but : les aider à s’adapter aux changements fondamentaux qu’apporte ce nouveau mode de travail.
À la base, je ne croyais pas trop au télétravail, mais un an plus tard, je suis converti.
Que représente le passage en télétravail élargi pour les employeurs selon vous?
Karl Blackburn : Depuis 2000, on était restés accrochés au 20e siècle. Mais, en mars 2020, on a été projetés dans le 21e siècle. On a fait un bond gigantesque. Un bond rendu possible grâce aux technologies qui étaient au rendez-vous. Si on avait voulu mettre ça en place dans des conditions habituelles, ça aurait pris des années, car le changement prend toujours du temps. Mais là, les organisations ont été obligées de s’adapter rapidement.
D’après vos contacts avec vos membres, comment se passe le télétravail pour les entreprises du Québec?
K. B. : Ça se passe bien! Les entreprises s’y sont adaptées à la vitesse grand V. Ce n’est pas pour toutes les entreprises ni pour tous les postes. Mais celles qui le pouvaient l’ont mis en place et plusieurs de nos membres mentionnent des gains d’efficacité importants. Même si pour d’autres, c’est plus difficile à quantifier.
Comme société, on s’est bien adaptés à ce nouveau monde. Le gouvernement a émis un avis sur le télétravail sans l’enchâsser dans une loi. Tout le monde a fait preuve de souplesse, autant les employeurs que les travailleurs et le gouvernement.
Quelles sont leurs préoccupations actuellement?
K. B. : La santé mentale des travailleurs. La pandémie pèse sur la société en général, employeurs et employés compris. Alors que nous sommes en télétravail en permanence depuis près d’un an, la pression est forte sur ceux dont les conditions de travail à la maison sont difficiles. Les employeurs cherchent des moyens pour les aider.
Vous-même, vous avez été plongé dans cette réalité en arrivant dans votre nouveau poste au CPQ en plein confinement. Comment ça s’est passé?
K. B. :Je siégeais déjà au conseil d’administration depuis quatre ans, je connaissais donc l’organisation, mais pas en détail. De plus, je n’avais pas fait l’expérience du télétravail et je n’appartenais pas à cette école de pensée : je suis un gars de groupe, de gang; j’aime les rencontres, la dynamique d’équipe. À la base, je ne croyais pas trop au télétravail, mais un an plus tard, je suis converti. C’est une révélation pour moi! Grâce aux outils technologiques, je fais beaucoup de rencontres virtuelles. Je suis en mesure de réaliser mon travail à partir de la maison. Je sais que je suis chanceux : j’ai un bureau fermé et, de plus, je peux compter sur une équipe au CPQ très engagée. Donc ça se passe très bien.
Pensez-vous que le télétravail est là pour de bon?
K. B. : On ne reviendra jamais à la situation d’avant la pandémie. Le monde et la société ont changé. Ces changements offrent des occasions qu’il faut saisir. Actuellement, les entreprises se posent beaucoup de questions et essaient d’organiser l’après-pandémie. La tendance qui semble se dessiner, c’est le mode hybride : quelques jours en télétravail et quelques jours en présentiel au bureau. Cela permettra de retrouver la dynamique d’équipe, les échanges entre collaborateurs, partenaires, etc. Ça sera aussi positif pour les travailleurs dont les conditions de travail à la maison ne sont pas idéales.
Par exemple, au CPQ, nous sommes en télétravail à 100 % depuis mars dernier. Nous étudions plusieurs scénarios, mais je pense que le mode hybride sera la meilleure solution. Ainsi, on ira chercher le meilleur des deux modes. Ce sera à l’avantage de la société.
Quel rôle le CPQ veut-il jouer dans cette nouvelle réalité et pourquoi?
K. B. : Nous continuerons à jouer un rôle de leadership sur des enjeux de société comme nous l’avons fait au cours des 50 dernières années. Nous représentons les employeurs et nous avons vu tout de suite que le télétravail en mode élargi posait des enjeux.
Il n’existait pas de guide pour les employeurs et on recevait beaucoup de questions. C’est pour cette raison qu’en septembre dernier, nous avons lancé un guide pratique pour l’instauration du travail à l’intention des employeurs et des travailleurs.
Ce n’est pas un plaidoyer pour ou contre le télétravail.
C’est un outil pour présenter à ceux qui le mettent en place les éléments à prendre en considération sur le plan du travail, de la santé et de la sécurité, de la technologie, de la gestion des ressources humaines, de la santé psychologique, de l’environnement, etc.
Nous avons ensuite mis en ligne la plateforme guideteletravail.quebec, fin janvier, parce que nous voulons que notre guide soit un outil à jour et facile à utiliser par tous les employeurs. Comme tout évolue très vite, la plateforme permet d’évoluer au même rythme et ainsi de refléter la réalité.