La conciliation travail-famille à l’ère du télétravail

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29 mars 2021

Responsable du Centre d’expertise Concilivi

Le télétravail a été toujours perçu comme le summum de la flexibilité. L’une des premières mesures auxquelles pensent les entreprises pour favoriser la conciliation travail-famille (CTF) est d’ailleurs d’offrir à leurs employés la possibilité de travailler à domicile.

Mais qu’en est-il de la perception de la conciliation travail-famille en regard du travail à la maison aujourd’hui après plusieurs années de télétravail et de travail hybride?

Une introduction chaotique

Le choc a été brutal pour plusieurs travailleurs qui se sont vu subitement interdire de retourner sur leur lieu de travail à la mi-mars 2020. Leur introduction au télétravail n’a pas eu lieu dans un contexte d’accommodement et de bienveillance, mais bien dans une situation de crise qui a généré son lot d’anxiété.

Au milieu des nombreux bouleversements vécus par tous – confinement, inquiétude pour sa santé et celle de sa famille, enfants à la maison, etc. –, la transition vers le télétravail ne s’est pas faite dans les règles de l’art. D’autant plus que la frontière entre le travail et la vie privée est devenue de plus en plus floue!

Des conditions de travail malmenées

Dans une étude menée par l’UdeM et la chaire BMO en diversité et gouvernance sur la COVID-19 et le télétravail parue en octobre 2020, les auteurs rappellent que pour vivre une expérience de télétravail optimale, un employé doit évoluer « dans un espace réservé au travail et sans interruption provoquée par des problèmes technologiques ou des charges personnelles ou familiales. »

Or, durant les premières semaines du confinement, ces conditions optimales n’étaient pas réunies dans les chaumières. Sara-Christine Rousseau, responsable du Centre d’expertise Concilivi, abonde dans ce sens :

« Au cœur de la crise, on était davantage dans une conciliation famille-travail extrême. Ce n’était pas la réalité habituelle d’un travailleur. Avec le contexte particulier des enfants à la maison, la situation de la conciliation famille-travail présentait des enjeux différents de ce qui est vécu habituellement en entreprise. »

Cependant, après plusieurs mois de ce régime au cours desquels les conditions ont évolué, l’image du parent télétravailleur débordé, dont les médias ont fait état pendant un certain temps, a cessé de représenter la majorité.

Une conciliation plutôt réussie

La même étude établit que « 62 % des répondants estiment être parvenus à concilier travail et famille en télétravail [et] près du tiers des répondants estiment même y être tout à fait parvenus. »

Celle-ci démontre aussi l’évolution de cette perception, car « le pourcentage des répondants qui se disaient tout à fait d’accord est passé de 25 % à la mi-avril à 39 % en juillet. » Les auteurs de l’étude attribuent cette augmentation à une courbe normale d’apprentissage.

Sara-Christine Rousseau avance également, avec prudence, une autre hypothèse : l’ouverture des camps de jour, au mois de juin, a possiblement donné un répit à des parents, leur permettant d’expérimenter « le vrai télétravail et non pas la situation de télétravailleur en conciliation famille-travail extrême. »

La situation des femmes

« En 2015, les mères ont assumé près des deux tiers (61 %) de toutes les heures consacrées aux tâches domestiques par les parents canadiens. »

En raison d’un décalage toujours présent entre l’implication des mères et celle des pères dans la gestion et les tâches familiales, les femmes actives semblent avoir davantage ressenti les effets du confinement et du télétravail en présence des enfants.

L’étude de l’UdeM remarque également que le sexe des répondants a peu d’incidence sur leur adaptation au télétravail, sauf pour un aspect : « seule la conciliation famille-travail est plus marquée pour les femmes ».

Si Sara-Christine Rousseau fait valoir qu’en « confinement généralisé, l’implication des deux conjoints était plus facile en raison de leur proximité », il n’en reste pas moins que, dans un sondage commandé par Concilivi en juin 2020, à la question « À quel point avez-vous trouvé facile ou difficile de concilier famille et travail dans [le contexte de la pandémie]? », 41 % des femmes ont répondu avoir trouvé cela difficile (très difficile ou plutôt difficile), contre 34 % des hommes.

Et après la crise?

Toujours selon l’étude de l’UdeM, un peu plus de la moitié des répondants (51 %) ont exprimé le souhait de continuer à travailler de la maison, si on leur donne le choix de le faire après la pandémie (26 % sont tout à fait d’accord et 25 % sont plutôt d’accord).

D’autres chiffres du sondage commandé par Concilivi sont à souligner :

  • 89 % des employeurs conviennent que fournir des mesures concrètes pour la conciliation travail-famille est l’une des attentes les plus importantes des employés.
  • 87 % des employeurs affirment que l’adoption de pratiques de conciliation travail-famille améliore l’attractivité de leur entreprise.
  • 86 % des employeurs affirment que l’adoption de pratiques de conciliation travail-famille favorise la rétention des travailleurs.

Selon Mme Rousseau, ces chiffres élevés suggèrent « qu’il y a eu une prise de conscience très forte de la part des organisations. Les [gestionnaires] ont eu accès à la réalité familiale de leurs employés [notamment par l’apparition des enfants apparaissant sur leurs écrans], et ça a amené un changement dans les perceptions. »

Il sera sans doute très intéressant, dans les prochaines années, de mesurer l’incidence de cette migration forcée du lieu de travail et de voir à quel point celle-ci pourra avoir fait avancer la cause de la conciliation famille-travail.

Voici quelques-uns des outils pratiques sur la CTF que l’initiative Concilivi met à la disposition des employeurs et des travailleurs.

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