Ergonomie et télétravail : de l’urgence à la permanence

En l’espace de deux courtes années, le télétravail a pris du galon en même temps qu’il a bouleversé la gestion des organisations. D’une réponse urgente à la crise sanitaire, il est passé à un mode de travail prisé par les travailleurs, notamment en raison d’avantages comme la conciliation famille-travail et la réduction des déplacements.

Le 3 décembre 2021, le Guide Télétravail Québec a présenté en ligne un panel sur l’ergonomie, la santé et la sécurité, et les responsabilités de l’employeur dans un contexte de télétravail ou de travail en mode hybride. Patrick Vincent, ergonome certifié, et Caroline Jodoin, avocate chez Norton Rose Fulbright, ont discuté de ces sujets afin de fournir aux gestionnaires de PME des informations récentes et pertinentes.

Visionnez le panel ici :

Les obligations de l’employeur et du travailleur en matière de santé et de sécurité

Un petit rappel des responsabilités respectives de chacune des parties, quel que soit le mode de travail choisi : présentiel, hybride ou télétravail.

Le rôle de l’employeur

Selon l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), « l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur », en s’assurant notamment :

  • que les établissements sur lesquels il a autorité sont équipés et aménagés de façon à assurer la protection du travailleur (alinéa 1);
  • que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur (alinéa 3);
  • d’utiliser les méthodes et techniques visant à identifier, contrôler et éliminer les risques pouvant affecter la santé et la sécurité du travailleur (alinéa 5).

Le rôle de l’employé

De son côté, l’employé a également des obligations qui sont énumérées à l’article 49 de la LSST, dont les suivantes :

  • prendre connaissance du programme de prévention qui lui est applicable (alinéa 1);
  • prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique (alinéa 2);
  • participer à l’identification et à l’élimination des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles sur le lieu de travail (alinéa 5).

À propos de la désignation du lieu de travail, Caroline Jodoin confirme qu’en cas de télétravail, « la protection de la loi s’étend à l’extérieur du bureau physique de l’employeur ». En effet, même si l’employeur n’a pas autorité sur le domicile de l’employé, ça ne l’exonère en rien de ses responsabilités envers ce dernier, notamment quant à l’organisation et aux méthodes de travail utilisées.

Contrôler l’environnement à distance

Le respect de la vie privée

En raison de ses obligations envers son employé, l’employeur doit exercer une certaine surveillance de l’environnement de travail de celui-ci, même s’il se situe à son domicile. Il doit cependant s’assurer de le faire dans le respect de sa vie privée.

Mais comment évaluer la qualité de l’environnement de travail de l’employé qui désire travailler de chez lui, que ce soit à temps plein ou à temps partiel?

Me Caroline Jodoin propose les solutions suivantes :

  • Prévoir des visites au domicile de l’employé avec préavis et consentement.
  • Organiser une visioconférence afin de bien voir les lieux et de discuter avec l’employé de son aménagement et de ses besoins.
  • Demander des photos des éléments constituant l’environnement de travail à domicile et les consigner au dossier de l’employé – afin notamment de documenter les mesures prises par l’employeur en matière de prévention des risques.

Dans tous les cas, l’avocate suggère de faire preuve de bienveillance dans son approche. De bonnes relations et une communication appropriée entre les deux parties facilitent certainement le partage des responsabilités.

La question de la confidentialité

Au cœur des questions délicates reliées au télétravail, celle de la confidentialité demeure un enjeu incontournable en matière d’environnement de travail.

En effet, l’employeur doit veiller à ce que le travailleur puisse évoluer dans un environnement qui lui permet de contrôler l’accessibilité à son équipement, à ses outils informatiques ainsi qu’aux données confidentielles qui pourraient être compromises.

L’employeur aurait la possibilité, par exemple, d’aborder ces éléments avec le travailleur lors d’entretiens périodiques :

  • Concernant la sécurité des documents confidentiels, il faudrait discuter notamment de l’accès à l’équipement par les autres membres de la famille, de l’endroit où conserver ces documents et du nettoyage des dossiers.
  • Il faudrait aussi parler de l’utilisation des ressources professionnelles à des fins personnelles.

L’employeur a cependant tout à gagner à se doter d’une politique de télétravail contenant, entre autres, tous les détails qui concernent les installations et l’organisation du télétravailleur. Celui-ci dispose alors d’un document clair qui encadre les pratiques et auquel il peut se référer au besoin. C’est un outil de gestion désormais essentiel pour toutes les organisations.

Il est temps d’investir dans l’ergonomie

Pourquoi investir?

Maintenant que la crise de la COVID-19 s’atténue, les entreprises qui décident de poursuivre le télétravail ou le travail en mode hybride de façon permanente devraient envisager d’investir adéquatement dans les installations de leurs télétravailleurs.

« Effectivement, si l’employeur est responsable des conditions de travail, il se doit de bien soutenir ses employés en matière d’ergonomie. Il s’agit alors de fournir le matériel nécessaire ou de prévoir un budget afin de payer en partie ou en totalité les coûts en la matière », souligne Patrick Vincent.

L’utilisation d’équipement personnel dans un contexte professionnel entraîne par ailleurs certains enjeux, tels que relevés par Caroline Jodoin, en matière de vie privée, de droit de surveillance, de cybersécurité, etc. Elle peut également compliquer les démarches en cas de demandes d’indemnisation.

En cas de budget serré

« Idéalement, l’employeur devrait prévoir un certain budget pour améliorer les conditions de travail à la maison, indique Patrick Vincent, mais les employeurs qui ont moins de budget pour payer le mobilier et les accessoires ergonomiques pourraient, par exemple, fournir des informations sur les règles fiscales applicables pour l’achat d’équipement pour télétravailler. »

À retenir

  • Les télétravailleurs doivent être bien installés et bien outillés afin de fournir des prestations de travail au moins équivalentes à celles de leurs homologues présents dans les locaux d’une entreprise.
  • Cette responsabilité est partagée par l’employé et l’employeur, mais la part de ce dernier est importante.
  • Le respect de la vie privée et la cybersécurité sont des enjeux incontournables.
  • Il est temps d’investir en ergonomie.

À lire aussi :

Commentaires

Partager sur mon fil d’actualité

Powered by WP LinkPress

Inscrivez-vous à l’infolettre

  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.