Coffre à outils – Gagnez en expérience Est-ce payant de travailler après 60 ans?

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13 septembre 2023

Luc Godbout est détenteur d’une maîtrise en fiscalité et d’un doctorat en droit public, professeur titulaire au département de fiscalité de l’Université de Sherbrooke, chercheur principal et titulaire de la Chaire en fiscalité et en finances publiques.

Suzie St-Cerny est détentrice d’une maîtrise en économie et est chercheure à la Chaire en fiscalité et en finances publiques.

Voilà une question fort populaire sur laquelle se sont penchés le Pr Luc Godbout et la chercheuse Suzie St-Cerny de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

Selon des données de Statistique Canada, « la population en âge de travailler (les personnes de 15 à 64 ans) n’a jamais été aussi âgée » et « plus de 1 personne sur 5 (21,8 %) au sein de cette population est près de la retraite, c’est-à-dire âgée de 55 à 64 ans. Cette proportion représente un sommet dans l’histoire des recensements canadiens ».

Or, de nombreux observateurs le disent : malgré une politique d’immigration plus intensive et généreuse, cela ne suffira pas à renouveler entièrement la main-d’œuvre. C’est pourquoi plusieurs se tournent vers les travailleurs et les travailleuses plus âgé·e·s ou tout récemment retraité·e·s pour prendre ou reprendre du service. Mais, est-ce que cela en vaut la peine pour ces dernier·ère·s? Le Pr Luc Godbout et Suzie St-Cerny ont analysé cette avenue.

Entre mythe et réalité

Inflation, possible récession, REER ou fonds de retraite moins généreux que prévu, ou simplement l’ennui… de multiples facteurs peuvent motiver les personnes de 60 ans et plus à continuer de travailler ou à retourner sur le marché du travail. Cependant, une méconnaissance du régime fiscal autant provincial que fédéral semble en freiner plusieurs, comme l’indiquent le Pr Godbout et Mme St-Cerny :

« Une des raisons découle certainement de la difficulté d’avoir une vision d’ensemble au moment de prendre la décision de travailler ou non et de bien comprendre les diverses interactions entre les prestations de retraite, les cotisations, les impôts et les autres mesures fiscales. Certaines personnes avancent qu’elles devront payer plus d’impôt ou de cotisations si elles travaillent ou encore qu’elles perdront des prestations. »

Or selon le professeur et la chercheuse, même si les membres plus âgé·e·s de la population active n’ont pas entièrement tort, il semble « que la part conservée du revenu de travail gagné est plus importante que plusieurs anticipent ». De plus, dans le cas des personnes ayant un faible revenu à la retraite, le revenu supplémentaire obtenu par le travail aurait une plus grande incidence sur le taux de conservation du revenu de travail.

Rendre le retour au travail attrayant

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les deux gouvernements ont compris, eux aussi, la manne que peut représenter l’effectif plus âgé, à condition que les conditions soient intéressantes pour eux et elles.

« Le fédéral a modifié le Supplément de revenu garanti (SRG) afin d’exempter une plus large part du revenu de travail gagné. Du côté de Québec, l’ajout d’un revenu de travail a l’avantage de permettre dans plusieurs cas l’utilisation du crédit d’impôt pour prolongation de carrière ainsi que la déduction pour travailleur », ont souligné le Pr Godbout et Mme St-Cerny dans leur rapport.

Mais de leur avis commun, le fédéral et le provincial pourraient en faire davantage pour inciter les travailleurs et les travailleuses de 60 ans et plus à rester sur le marché.

Six pistes de réflexion à cet égard sont suggérées par les deux spécialistes :

  1. Prolonger la période où il est possible de changer d’idée après le premier versement de la rente du RRQ ou de la prestation de la Sécurité de la vieillesse (SV);
  2. Rendre les cotisations au RRQ facultatives;
  3. Rendre remboursable le crédit d’impôt pour prolongation de carrière;
  4. Mettre en place un crédit d’impôt fédéral pour la prolongation de carrière;
  5. Instaurer une exemption d’un certain montant de revenu de travail dans le seuil de réduction de la pension de la SV;
  6. Et finalement, repousser l’âge limite pour convertir son REER en FERR.

Il faut cependant mentionner qu’à la suite de la Consultation publique sur le Régime de rentes du Québec, le gouvernement québécois a notamment décidé de rendre facultatives, dès 2024, les cotisations au RRQ pour les bénéficiaires d’une rente du RRQ qui décident de travailler, concrétisant en partie l’une des suggestions.Enfin, l’élément essentiel que l’on peut retenir du rapport Un regard éclairé sur le travail une fois à la retraite est que dans les conditions actuelles, il demeure majoritairement avantageux pour des personnes en âge d’être à la retraite, de travailler ou de retourner sur le marché du travail si elles le souhaitent.

S’informer, se former et s’outiller pour favoriser le travail après 60 ans 

Ce rapport met également en évidence la méconnaissance des individus concernant le système de revenu de retraite. L’Institut sur la retraite et l’épargne en fait le constat.

« Moins de 25 % de l’ensemble des répondants savent qu’il est permis de travailler en recevant des prestations du RPC/RRQ. »

Le Pr Godbout et Mme St-Cerny en concluent donc que bien qu’à l’approche de la retraite, les connaissances s’améliorent, il reste beaucoup de travail à faire.

À ce titre, travailleur·euse·s et gestionnaires peuvent consulter l’outil de calcul Revenu de travail conservé à la retraite en 2023 du ministère des Finances du Québec pour avoir un meilleur aperçu de la situation. En effet, cet outil en ligne et accessible à tous·tes permet, entre autres, de mesurer le taux de conservation du revenu de travail ou encore d’analyser les différents effets de l’ajout d’un revenu de travail sur les impôts, les cotisations obligatoires et les diverses mesures fiscales.

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