« Être aux prises avec un handicap, ça vous rend d’autant plus débrouillard et performant »
L’idée d’embaucher des personnes handicapées peut susciter des craintes et des questionnements chez certain∙e∙s gestionnaires. Mais il serait malheureux de limiter ainsi les occasions de recrutement, car des outils et des solutions existent pour bien intégrer ces personnes en entreprise.
Qu’est-ce qu’un handicap invisible?
Le handicap invisible désigne un état ou une limitation qui n’est pas immédiatement visible contrairement à un handicap physique évident, comme celui d’une personne en fauteuil roulant. D’ailleurs, environ 80 % des handicaps seraient invisibles. Ils comprennent par exemple les troubles de santé mentale, les troubles cognitifs et les déficiences visuelles ou auditives. Au Québec, 16,1 % des personnes de 15 ans ou plus vivent avec une incapacité légère à grave, comme en témoigne Karelle Massy, conseillère en sécurité financière indépendante, rattachée à une firme de courtage.
Handicap invisible : travailler avec la surdité
Karelle Massy est aux prises avec un handicap dit invisible; elle est malentendante.
« Je ne parle pas la langue des signes. Je me suis toujours débrouillée en lisant sur les lèvres et je porte des écouteurs spéciaux qui font le branchement/la connexion Bluetooth dans mes appareils auditifs et qui se connectent à tous mes appareils informatiques. Cet équipement, combiné à ma capacité à lire sur les lèvres, est ce qui me permet de bien comprendre les gens avec qui je parle. »
Vivre avec la surdité ou être malentendant dans un contexte de travail oblige un∙e employeur∙euse à mettre en place certains ajustements pour être en mesure de bien comprendre les enjeux émergents et les pistes de solutions.
« Par exemple, je suis capable de parler au téléphone, mais seulement pour de courtes conversations et dans le cadre d’échanges d’informations claires et précises, mais parler pendant 30 minutes, c’est difficile; ça prend beaucoup de concentration. »
L’importance d’une intégration exhaustive
Un∙e gestionnaire qui embauche une personne malentendante devrait s’assurer, dans un premier temps, que les processus sont adaptés à la personne. Ensuite, il est important de bien faire connaître le fonctionnement de l’entreprise.
« Pour faciliter mon intégration dans la société de courtage, les représentant∙e∙s m’ont donné leur numéro de téléphone pour que je puisse les texter et leur demander conseil au besoin, même si ce n’était pas dans les habitudes. Mais après trois mois en poste, c’est difficile parce que je ne me sens pas encore suffisamment accompagnée; je suis indépendante, mais la formation pose problème, de même que les processus de communication. »
Idéalement, Karelle souhaiterait être accompagnée d’une adjointe ou d’une assistante dans le but de faciliter la communication.
Pour une personne malentendante, les difficultés engendrées par les conversations téléphoniques représentent un défi au quotidien.
« Mais c’est un défi que je réussis à contourner; je trouve d’autres solutions. Lorsqu’on est aux prises avec un certain handicap, on cherche souvent à démontrer qu’on est capable de trouver des solutions. »
Une main-d’œuvre performante et loyale
Il est vrai qu’au début, un∙e gestionnaire devra prévoir consacrer plus de temps et d’énergie à la personne qui arrive en poste avec un certain handicap, mais une fois l’intégration réussie, ces personnes sont loyales et très motivées par leur travail.
« C’est vrai que cela peut être un plus long et même un peu plus difficile d’intégrer la personne dans son emploi, mais une fois qu’elle sait quoi faire, elle peut facilement se démarquer des autres. Être aux prises avec un handicap, ça vous rend d’autant plus débrouillard et performant. Tu ne veux pas que les gens se concentrent sur ton handicap, mais plutôt sur tes compétences professionnelles. »
Ouverture d’esprit et collaboration
Pour bien intégrer une personne qui vit avec un handicap, un∙e employeur∙euse a tout intérêt à démontrer une ouverture d’esprit tout en donnant toute la latitude possible à la personne pour qu’elle trouve la solution lui permettant de travailler. Il faut surtout éviter de lui mettre des bâtons dans les roues, rappelle Karelle Massy.
« Moi, je ne voulais pas être une victime, au contraire, je voulais me réaliser et me surpasser. Or, dans mon dernier emploi, je n’avais pas la permission d’utiliser ma structure d’automatisation pour gérer mes courriels et mon calendrier, par exemple, parce qu’elle n’était pas intégrée dans l’entreprise. »
Les enjeux concrets de ces handicaps
Karelle Massy a remarqué qu’au début, il y a un réel effort de la part de tous et toutes pour s’adapter et collaborer, mais qu’après un certain temps, on a tendance à oublier les enjeux liés au handicap et on fait moins d’efforts.
« Pendant la pandémie, le port du masque a été imposé alors que je travaillais au service à la clientèle dans un magasin; mon employeur, au début, enlevait son masque pour communiquer avec moi. Mais, souvent, on m’a laissée seule avec les client∙e∙s qui portaient des masques, m’empêchant de comprendre leurs propos. L’employeur∙euse doit se rappeler que même si on performe bien, même si on a l’air d’être en contrôle, on a quand même un handicap à gérer. »
En terminant, Karelle Massy tient à rappeler aux employeur∙euse∙s l’importance d’éviter les barrières et de ne pas fermer la porte aux personnes en situation de handicap.
« En 2016, on m’a refusé l’entrée dans le domaine de la finance et du courtage; aujourd’hui, les employeur∙euse∙s qui avaient refusé de considérer ma candidature souhaitent m’embaucher; apprenez à connaître la personne et ses compétences. »
Avez-vous mis en place des procédures permettant la pleine intégration d’une personne handicapée dans votre entreprise? Livrez votre témoignage en commentaire pour aider d’autres gestionnaires!