La gestion de la main-d’œuvre étrangère : une nouvelle approche pour les spécialistes en RH

Partenariat – article rédigé par Julie Lessard et Nancy Boyle, BCF avocats d’affaires.

Le vieillissement de la population, le nombre croissant de départs à la retraite, la pénurie de talent et le défi d’attraction et de rétention de la main-d’œuvre ont contribué à une modification du marché du travail.

Le recours aux travailleur∙euse∙s étranger∙ère∙s temporaires pour combler des postes de tout niveau, incluant à la fois les cadres, les professionnel∙le∙s, les spécialistes de haut niveau et les employé∙e∙s du secteur manufacturier apparaît de plus en plus comme une solution incontournable. La maîtrise des concepts juridiques et des règles propres à la gestion de ces travailleur∙euse∙s devient une compétence essentielle pour les entreprises.

Le recours aux travailleur∙euse∙s étranger∙ère∙s temporaires nécessite une approche différente. Les entreprises doivent comprendre, non seulement les aspects légaux liés à l’immigration des travailleur∙euse∙s, mais également les particularités du droit de l’emploi concerné, et ce avant, pendant et après la durée de l’emploi du∙de la travailleur∙euse étranger∙ère.

Considérations importantes avant l’embauche

La stratégie de recrutement

De manière générale, tout travail exécuté au Canada par un∙e travailleur∙euse étranger∙ère requiert un permis de travail, et ce, peu importe la durée du contrat et la source de rémunération. Le processus d’immigration varie substantiellement en fonction de facteurs incluant notamment le type d’emploi, le salaire offert, l’expérience et l’éducation d’un·e candidat·e ainsi que sa citoyenneté. Les délais pour la préparation et le traitement de telles demandes peuvent varier grandement entre quelques jours et plusieurs mois. Une stratégie d’immigration agile doit tenir compte de ces facteurs et les attentes doivent être gérées adéquatement. La rédaction des offres d’emploi doit inclure certaines clauses de protection en cas de refus des demandes de permis de travail, de désistement du∙de la candidat∙e, de changements de circonstances pour l’employeur et d’autres risques afférents.

Le permis de travail et la rémunération

Il est également important de bien comprendre les enjeux d’une demande de permis de travail. Dans certaines situations il est exigé que l’employeur fasse la preuve que, malgré des efforts importants, aucun∙e candidat∙e canadien∙ne ou résident∙e permanent∙e qualifié∙e et disponible n’a pu être trouvé∙e pour le poste à pourvoir. Les règles relatives aux affichages de postes diffèrent largement des pratiques traditionnelles, et il est crucial de bien connaître les enjeux en la matière. Il faut également veiller à ce que le salaire offert au∙à la travailleur∙euse étranger∙ère correspond au salaire médian tel que défini par Emploi Québec ou Service Canada, et ce, sans égard à l’échelle salariale interne, sauf s’il s’agit de postes syndiqués. L’iniquité salariale pourrait être soulevée dans certaines situations.

Les obligations financières

D’autre part, parmi les obligations des employeurs qui ont recours aux travailleur∙euse∙s étranger∙ère∙s figurent certaines obligations financières qui varient selon les situations et qui peuvent inclure les frais de transport, les frais reliés à l’obtention d’assurances maladie temporaires et une assistance à l’accès au logement abordable. Des dispositions récentes ont ajouté l’obligation de remettre au∙à la travailleur∙euse étranger∙ère temporaire un contrat de travail écrit avant son arrivée au Canada. L’utilisation d’un contrat type qui ne tient aucunement compte des réalités particulières reliées à l’embauche d’une main-d’œuvre étrangère est une erreur fréquente. Outre les éléments relatifs au caractère conditionnel des offres, les employeurs peuvent prévoir des clauses de remboursement pour certains frais engagés pour l’arrivée des travailleur∙euse∙s en cas de désistement ou de départ hâtif. Toutefois, la loi et ses règlements prévoient plusieurs exclusions et interdisent à l’employeur une telle pratique pour une partie des frais déboursés ou la totalité selon chaque cas. Des conseils avisés pour chaque cas particulier sont nécessaires. Ces coûts doivent faire partie des éléments à prévoir dans le contexte du recrutement international.

Considérations importantes pendant la durée de l’emploi

Bien qu’il existe certains permis de travail « dits ouverts » qui permettent une grande latitude, la plupart des permis de travail sont dits fermés ce qui entraîne plusieurs obligations de conformité pour les employeurs visés. Pour toute la durée du permis de travail ou de l’emploi, l’employeur doit fournir au∙à la travailleur∙euse étranger∙ère temporaire un emploi dans la même profession que celle indiquée dans la demande, lui verser un salaire qui est essentiellement le même, et non moins avantageux, lui fournir des conditions de travail qui sont également essentiellement les mêmes et non moins avantageuses, mettre en place les mesures nécessaires pour offrir un milieu de travail exempt d’abus de toute sorte et respecter les autres engagements pris le cas échéant. Tout changement de poste incluant une promotion et tout changement aux conditions de travail, par exemple un changement d’unité d’affaires au sein d’un groupe ou toute autre modification aux conditions d’emploi, nécessite une analyse poussée afin de déterminer si un nouveau permis de travail est requis. Le cas échéant, ce dernier doit être obtenu avant que le changement soit effectif. Les spécialistes des ressources humaines doivent mettre en place des systèmes de suivi et de gestion afin de veiller à ce que de tels changements ne soient pas faits sans autorisation valable. Le caractère restrictif des permis de travail peut également soulever plusieurs questions d’équité ou de possibilités égales. Il est crucial de prendre en considération autant les aspects du droit de l’emploi que ceux du droit de l’immigration, et le mariage est parfois difficile à faire.

Considérations importantes à la fin de l’emploi

Contrairement à certaines croyances populaires, un∙e travailleur∙euse étranger∙ère temporaire n’est pas tenu∙e de demeurer à l’emploi de l’employeur qui a facilité son arrivée au Canada. Bien que les permis de travail fermés ne permettent pas de travailler pour un∙e autre employeur, il est tout à fait possible de débuter une nouvelle démarche et d’obtenir un permis de travail pour un∙e autre employeur à tout moment. De la même manière, un∙e employeur peut mettre fin à l’emploi pour les mêmes motifs et sous les mêmes régimes de protection applicables aux résident∙e∙s permanent∙e∙s et citoyen∙ne∙s canadien∙ne∙s. Toutefois, dans certains cas les frais de transport pour le retour dans le pays d’origine doivent être payés par l’employeur. Il s’agit encore là d’une analyse à faire pour chaque situation de manière individuelle. Les employeurs qui font appel au système doivent également conserver les dossiers des travailleur∙euse∙s étranger∙ère∙s pour une période de six (6) années en cas d’audit ou d’inspection. Les conséquences d’une infraction aux règles, même si l’emploi du∙de la travailleur∙euse visé∙e par une enquête est terminé, peuvent inclure notamment des pénalités financières, la révocation d’autres permis de travail émis pour l’employeur et peuvent aller jusqu’à l’incapacité pour cet∙te employeur de recourir à certains programmes pour l’obtention de permis de travail.

Conclusion

Le recours aux travailleur∙euse∙s étranger∙ère∙s temporaires peut devenir un avantage important pour une entreprise. Toutefois, il est nécessaire de bien comprendre les enjeux et de travailler avec des expert∙e s qui maîtrisent les concepts juridiques et les règles d’immigration et du droit de l’emploi applicables. Les entreprises doivent changer leur approche pour adopter des pratiques adaptées et se doter des outils nécessaires pour assurer une gestion efficace de cette nouvelle réalité.

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