Comment intégrer l’intelligence artificielle dans son service RH?

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7 juin 2023

Matissa Hollister est professeure adjointe en comportement organisationnel à la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill. Ses recherches portent sur les tendances du travail et des carrières, y compris l’impact de la technologie. En 2019-2020, elle a été membre du Forum économique mondial où elle a conçu et dirigé un projet sur l’utilisation responsable de l’intelligence artificielle dans les ressources humaines, créant une boîte à outils pratique pour les professionnels des RH.

L’utilisation des nouvelles technologies au travail, comme l’intelligence artificielle, s’accélère dans différents secteurs. Dans les services de ressources humaines par exemple, l’utilisation d’applications d’intelligence artificielle offre le potentiel aux PME de gérer les talents de manière plus efficace et plus équitable, à condition d’éviter certains problèmes tels que l’atteinte à la confidentialité des données et les préjugés.

Les organisations manifestent de plus en plus d’intérêt pour l’intelligence artificielle dans les RH, remarque Matissa Hollister, professeure à l’Université McGill. Après avoir participé, sur la scène internationale, à la mise en place d’outils pour aider les entreprises à naviguer dans un environnement de plus en plus complexe, l’experte nous fait part des meilleures pratiques et d’une réflexion sur les limites de ces outils.

Comment fonctionnent les applications d’IA dans la gestion des RH?

Il existe plusieurs façons d’utiliser l’intelligence artificielle dans le monde des RH, toutes reliées à un niveau de risque, explique Matissa Hollister.

Exécuter les tâches simples du processus de recrutement

« Les applications d’intelligence artificielle peuvent être utiles pour l’exécution des tâches relativement simples, comme l’animation d’un espace de discussion (chat room) avec des personnes en recherche d’emploi. L’application communique des informations de base en lien avec l’entreprise et ses offres d’emploi, prend les rendez-vous pour les entrevues, envoie des courriels, bref gère le processus de demande d’emploi. »

L’intelligence artificielle est fréquemment utilisée pour analyser les CV lors du processus d’embauche.

Complémenter la gestion des ressources humaines internes

Règle générale, l’IA est adaptée aux tâches qui exigent beaucoup de temps et qui sont à faible risque, comme l’animation d’un espace de discussion. Dans une perspective de faible risque, on peut utiliser l’IA pour réaliser des sondages de satisfaction auprès du personnel et analyser l’information recueillie.

« Ces sondages peuvent être à choix multiples ou encore permettre des commentaires dans des boîtes de texte, précise Matissa Hollister. C’est un long processus pour l’humain de lire toutes les réponses, mais certaines applications d’intelligence artificielle peuvent les analyser et produire un résumé des enjeux les plus souvent cités par les employé·e·s. »

Selon la professeure, ce genre d’application demeure à faible risque pourvu qu’aucune décision importante liée à la vie des employé·e·s ne soit prise à partir de ces sondages.

Aide à la décision : attention aux risques

Il existe aussi un type application d’IA en ressources humaines qui sert à prévoir le moment où une personne risque de quitter l’entreprise.

« C’est un angle qui peut intéresser certaines entreprises, mais ce genre d’application suscite plusieurs questions; notamment, “que faire de cette information et comment les équipes vont-elles réagir devant cette intervention plutôt intrusive?” », rappelle Matissa Hollister.

Il existe aussi des outils capables de faire des recommandations aux gestionnaires quant à la prochaine étape de la carrière d’un·e employé·e. L’application analyse l’historique d’emploi de la personne et recommande un ou plusieurs postes permettant à l’employé·e d’évoluer au sein de l’entreprise.

« Plus on utilise l’IA pour nous accompagner dans la prise de décision, plus le niveau de risque augmente. Donc, les gestionnaires qui ont l’intention d’utiliser l’intelligence artificielle pour réaliser des tâches plus à risque doivent être en mesure de comprendre, au-delà du marketing, comment fonctionne l’algorithme qui leur est proposé. »

3 questions essentielles pour l’utilisation d’applications d’IA

Généralement, les gestionnaires prennent connaissance de ces nouveaux outils grâce à la représentation des entreprises qui mettent en marché des applications d’IA. D’où l’importance pour les dirigeant·e·s de poser des questions au sujet de trois enjeux fondamentaux avant de passer à l’action, souligne Marissa Hollister.

1.     La provenance des données

Dans un premier temps, les gestionnaires doivent connaître l’origine des données d’apprentissage utilisées par l’application pour être en mesure de juger si elles correspondent au contexte et aux besoins de l’entreprise.

2.     Le fonctionnement de la technologie

Deuxièmement, dans le cas d’une application capable de faire des recommandations, « il faut savoir sur quelles informations sont basées les recommandations et comment les décisions sont prises. »

3.     L’interprétation des résultats

Finalement, les gestionnaires doivent comprendre comment est établie la définition de succès; « quelles sont les données qui sont utilisées pour identifier, par exemple, une personne qui répond aux critères de sélection dans un processus d’embauche et représente un·e bon·ne candidat·e? ».

Miser sur la transparence et l’explicabilité

Il y a toujours le risque que toutes les formes d’IA perpétuent des préjugés et soient discriminatoires, rappelle Matissa Hollister, parce que ces systèmes sont basés sur les données du monde réel, c’est-à-dire un environnement humain et imparfait. Donc, difficile de rejeter la faute sur l’intelligence artificielle.

« Une personne qui souhaite améliorer le processus d’embauche en favorisant l’inclusion, l’équité et la diversité peut utiliser l’IA pour y arriver. Il est possible de modifier le système en proposant de nouvelles mesures d’analyse ou en changeant les descriptions de poste par exemple, pour attirer des candidatures diversifiées. »

Les données du monde réel ont le potentiel d’intégrer des informations non désirées dans les applications d’IA, rappelle la professeure, « mais les humains ont le pouvoir d’imaginer des moyens d’améliorer le monde et l’IA; si elle est utilisée avec précaution, elle peut devenir un outil pour concrétiser ces idées. »

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