Devenir antifragile et prospérer dans l’adversité

Catherine-Julie Charette est une professionnelle du développement organisationnel et une pionnière de l’agilité organisationnelle au Canada. Elle cumule plus de 20 années d’expérience multisectorielle en gestion, conception et diffusion de formations, en amélioration des pratiques de gestion et en coaching au Canada et à l’international.

Avec la pandémie, les organisations ont vécu une importante période d’incertitude. Mesures sanitaires, télétravail obligatoire, problèmes d’approvisionnement, pénurie de main-d’œuvre, employés malades ou anxieux : elles ont été confrontées à de nombreux problèmes. Bien que la situation épidémiologique s’améliore, les entreprises doivent encore évoluer dans un environnement complexe et ambigu. Heureusement, l’antifragilité peut les aider à prospérer dans l’adversité. Catherine-Julie Charette, PMP, ACC, nous en dit plus sur le sujet.

Qu’est-ce que l’antifragilité?

L’antifragilité est un concept assez nouveau. Il s’agit d’un néologisme créé par le philosophe, essayiste et économiste libyen Nassim Nicholas Taleb pour son ouvrage Antifragile : les bienfaits du désordre.

Plus précisément, c’est une propriété des systèmes qui se renforcent lorsqu’ils sont exposés à des facteurs de stress, des chocs, de la volatilité, du bruit, des erreurs, des attaques ou des échecs.

Autrement dit, les personnes ou les systèmes antifragiles vont croître dans un contexte de crise, de chaos ou d’adversité ou en profiter et devenir plus forts. Mme Charette donne en exemple le corps humain qui, lorsqu’il est attaqué par des virus, développe des anticorps qui renforcent son immunité.

Au contraire, les personnes fragiles vont craindre les événements stressants et seront même affaiblies par ces derniers. Elles recherchent plutôt la stabilité et la prévisibilité.

« Pour illustrer la fragilité, on pourrait prendre l’exemple d’une voiture de course. Elle va avoir des performances inégalables dans son environnement naturel qui est la piste de course, mais si on la sort de cet environnement-là, elle va tomber en morceaux assez rapidement », précise l’experte.

L’antifragilité ne doit pas non plus être assimilée à de la robustesse. En effet, face à du stress ou du hasard, les personnes ou systèmes robustes vont demeurer indifférents ou résister. On dit souvent qu’ils vont encaisser et préférer le statu quo.

« Un bel exemple de robustesse est l’équipement de ferme. C’est fait pour subir des chocs, parce que c’est très rare que la ferme se trouve près d’un atelier pour réparer ces équipements-là. Ce sont des équipements robustes », ajoute Mme Charette.

Pourquoi devenir antifragile?

Dans un environnement volatile, incertain, complexe et ambigu (VICA), l’antifragilité peut devenir un atout considérable pour les gestionnaires et les employés.

« Ce que j’observe dans les organisations, c’est qu’on est très bon pour affiner notre compréhension de l’ordinaire, en faisant des théories, des modèles ou des méthodes sur la base de ce qu’on connaît. Mais ce dont on a besoin en ce moment, c’est d’apprendre à se préparer à composer avec ce qui n’a jamais été », note l’experte.

En effet, l’antifragilité permet ce qui suit :

  • Découvrir des forces insoupçonnées au sein d’une équipe;
  • Acquérir et développer la capacité à composer avec les crises, l’adversité et les erreurs;
  • Se mobiliser collectivement, ce qui évite de s’arrêter à la moindre embûche;
  • Apprendre dans des périodes plus difficiles.

Comment devenir antifragile?

L’antifragilité passe par l’apprentissage. Il ne faut jamais tenir pour acquis que l’on sait tout. Au contraire, une nouvelle épreuve est généralement un bon prétexte pour acquérir certaines habiletés et en désapprendre d’autres, devenues désuètes.

Une autre chose à faire pour développer l’antifragilité, c’est d’avoir un état d’esprit d’ouverture : « Les gens qui sont le plus souvent dans leur état d’esprit d’ouverture ont la croyance que tout se transforme. Et cette croyance fait en sorte que leur réaction face à des épreuves ou à des difficultés est complètement différente de ceux qui sont dans un état d’esprit de fermeture. »

Selon Mme Charette, quand on est dans un état d’esprit d’ouverture, on voit les efforts comme étant normaux, comme des étapes nécessaires pour évoluer :

« Les gens qui sont dans un état d’esprit d’ouverture vont être beaucoup plus flexibles et engagés au travail. »

De même, les gestionnaires auraient avantage à élargir leur palette de logique d’action pour être mieux outillés dans un environnement VICA. « Plus on développe notre agilité comportementale, plus on est antifragile. »

Trois questions à se poser lors d’une situation complexe

Vous êtes dans une situation complexe et vous ne savez pas trop comment en sortir? Voici trois questions à vous poser qui vous aideront à développer votre antifragilité :

  • Que comptez-vous faire pour régler cette situation?
  • De quoi la situation a-t-elle besoin?
  • Comment choisissez-vous d’être afin de bien servir cette situation?

« On est souvent en réaction quand on se demande ce qu’on doit faire. Or, quand on regarde le problème avec la perspective de ce dont le problème a besoin, c’est différent. Ça nous amène à passer d’une logique d’action réactive à une logique d’action plus créative et plus intentionnelle. Ça peut nous amener à prendre conscience qu’il y a d’autres possibilités face à des problèmes complexes », mentionne Mme Charette.

L’experte suggère aussi aux gestionnaires de garder du temps dans leur horaire pour se permettre de prendre du recul et de trouver des options en cas de problème. Mme Charette fait un parallèle avec l’agenda surchargé de la plupart des gestionnaires. Plus il est chargé, plus il est rigide et difficile à modifier. Or, comme la volatilité est la norme et non l’exception, les gestionnaires devraient prendre en compte qu’il y aura des imprévus et éviter de surcharger leurs journées de rendez-vous et de réunions.

« Comme on ne peut pas avoir une société antifragile sans avoir des individus antifragiles, on a tous cette responsabilité de développer notre antifragilité », conclut-elle.

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