Quels sont les préjugés envers la main-d’œuvre expérimentée?
Parmi les solutions envisagées pour contrer la pénurie de main-d’œuvre, la rétention et le recrutement de personnel expérimenté s’imposent comme des voies non négligeables à explorer. Cependant, de nombreux préjugés défavorables subsistent à l’égard des membres de ce segment démographique, beaucoup plus hétérogène que le veut la perception populaire.
L’institut national de santé publique du Québec estime qu’en 2030, 25 % des membres de la population de la province seront âgé·e·s de 65 ans et plus. Il serait dommage d’ignorer le potentiel de ce bassin de travailleur·euse·s en raison de stéréotypes liés à l’âge.
1. La compétence
La première idée préconçue sur la main-d’œuvre expérimentée concerne la notion de compétence, qui peut englober elle-même celles des capacités physiques et mentales, de l’habileté et de l’intelligence, et plus particulièrement, dans un contexte de production, de résistance au stress, de créativité, de souplesse, d’endurance physique, etc.
Lorsqu’il est question des aîné·e·s et de leurs compétences au travail, deux points semblent sortir du lot, soit la faculté d’adaptation (liée à la réticence au changement) et les possibilités d’avancement. Or, selon une étude qui sera publiée prochainement, 64 % des dirigeant·e·s intérrogé·e·s jugent cette main-d’œuvre tout aussi performante que l’ensemble du personnel plus jeune. Par ailleurs, 82 % de ces mêmes répondant·e·s affirment que le personnel de 60 ans et plus possède des compétences précises qui apportent une valeur ajoutée à leur entreprise.
D’ailleurs, dans le cadre d’une entrevue accordée à Radio-Canada en 2019, Marie-Michèle Lord, alors chargée de cours au Département d’ergothérapie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), affirme qu’il « est vraiment faux de croire qu’un·e travailleur·euse qui avance en âge ne sera d’emblée pas en mesure d’intégrer de nouveaux apprentissages ou de faire de nouvelles tâches. […] Le vieillissement, ce n’est vraiment pas un phénomène uniforme et homogène. »
Au sujet des possibilités d’avancement, qui sont quant à elles liées à la formation (pour des mises à jour technologiques, notamment), il est intéressant de constater que les préjugés se nourrissent eux-mêmes et contribuent à leur perpétuation.
À cause de ces préjugés, la main-d’œuvre plus âgée est moins susceptible de se faire offrir des formations et des promotions. En effet, d’après les résultats de cette même étude à venir, c’est une timide majorité de 58 % des répondant·e·s qui estime qu’il serait pertinent d’investir dans la formation du personnel de 60 ans et plus.
2. La santé
Selon la croyance générale, les sénior·e·s sont en moins bonne santé que le reste de la population, et ce, tant sur le plan physique que mental. Rien d’étonnant, dès lors, à ce que des entreprises mettent en doute les capacités physiques et cognitives de cette main-d’œuvre, et qu’elles se servent de cette raison pour l’écarter. Une étude publiée prochainement révèle qu’en 2023, 25 % des dirigent·e·s voient les problèmes de santé ou le risque de blessure comme des inconvénients à l’embauche de la main-d’œuvre de 60 ans et plus.
Cependant, une étude du gouvernement du Canada vient déboulonner cet a priori.
« Le préjugé selon lequel la santé des travailleur·euse·s âgé·e·s est moins bonne que celle des jeunes travailleur·euse·s n’est pas confirmé par les recherches : c’est donc dire que les ennuis de santé psychologiques et physiques ne sont pas plus répandus chez les travailleur·euse·s âgé·e·s ».
3. La conciliation travail-vie personnelle
Les entreprises entretiennent également envers les sénior·e·s des préjugés sur la disponibilité et la flexibilité, pensant qu’ils·elles sont moins en mesure de concilier leur travail et leur vie personnelle.
Selon la même étude, cette perception serait basée sur une présomption « selon laquelle les travailleur·euse·s âgé·e·s prêtent davantage attention à leur famille, à leur quartier et à leurs loisirs que les jeunes travailleur·euse·s, de sorte qu’ils ont moins de temps et d’énergie à consacrer au travail ».
Cependant, un rapport de 2020 sur la conciliation famille-travail indique que les personnes avec de jeunes enfants (moins de dix-huit ans) ou encore les individus issus de l’immigration, trouvent la conciliation travail-vie personnelle significativement plus difficile et stressante. Par ailleurs, près de 47 % des entreprises proposent aujourd’hui des mesures de conciliation à ce segment de main-d’œuvre, entre autres. Ces données suivent une tendance forte du marché de l’emploi. En effet, la conciliation famille-travail, quel que soit l’âge, est aujourd’hui un levier déterminant pour permettre à une entreprise de demeurer concurrentielle dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.
4. Le coût
Un autre préjugé tenace à propos de la main-d’œuvre d’expérience? Elle coûte cher. Voici les trois principaux préjugés sur lesquels repose cette présomption : salaires élevés, recours accru aux avantages sociaux et retraite imminente.
Cette idée est déboulonnée par le fait que beaucoup de travailleur·euse·s qui retournent au travail après un certain âge n’ont pas les mêmes attentes salariales qu’avant; ils·elles souhaitent plutôt gagner un revenu d’appoint ou demeurer actif·ve·s. Pour certaines personnes de cette catégorie, un salaire plus bas est également plus avantageux sur le plan de la fiscalité.
Toutefois, même si un·e employé·e d’expérience demande, en effet, une rémunération plus élevée, il semble que cet investissement en vaille tout à fait la peine, notamment en raison de son rôle sur le plan du mentorat dans la mémoire organisationnelle. Dans un article de 2019 sur les coûts de l’âgisme, Martine Lagacé, professeure titulaire au Département des communications à l’Université d’Ottawa, affirme : « Faire de l’âgisme, ça coûte cher aux entreprises. […] Une entreprise qui ne fait pas de transfert de connaissances aujourd’hui, c’est une entreprise qui va probablement mourir à moyen ou à long terme ».
Comment ces faits se concrétisent-ils dans votre entreprise? Faites-nous part de votre expérience.