PL96 : quelques dispositions d’importance

Articles
Articles
|
25 juillet 2022

Me Doray est membre de l’équipe de droit administratif et dirige le secteur du droit de l’information au sein du cabinet Lavery Avocats. Ses dossiers portent sur l’accès à l’information, la vie privée, la diffamation et l’application des chartes canadienne et québécoise des droits et libertés.

En 2022, l’Assemblée nationale du Québec a adopté le projet de loi 96 (PL96) : Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le Français, qui modifie la Charte de la langue française. Le PL96 vise notamment à affirmer que la seule langue officielle du Québec est le français, qui est la langue commune de la nation québécoise.

La plupart des dispositions du PL96 sont entrées en vigueur le 1er juin 2022, mais d’autres le seront le 1er septembre 2022, le 1er juin 2023, pour l’année scolaire 2023-2024, ainsi que le 1er juin 2025.

Le projet de loi 96 est complexe et entraîne pour les entreprises des obligations sur plusieurs plans, sans compter qu’il emporte des conséquences administratives et pénales sérieuses en cas de non-conformité.

Voici un aperçu de quelques règles importantes qu’il contient.

Les communications écrites

Depuis le 1er juin 2022, sous réserve de certains critères prévus dans la loi, les employeurs d’un salarié au sens de la Loi sur les normes du travail ou d’un travailleur visé par une entente collective sont tenus de rédiger les documents suivants en français :

  • les offres d’emploi (de mutation ou de promotion) – Elles peuvent être diffusées dans une autre langue, mais pour cibler un public de taille comparable, à l’aide de moyens de diffusion de même nature, et simultanément à la version française (art. 42);
  • les contrats individuels de travail – L’employeur a l’obligation de fournir une version française avant que le travailleur signe la version dans une autre langue (art. 41, al. 2);
  • les communications adressées au personnel, à un travailleur ou à une association de travailleurs, incluant les communications suivant la fin du lien d’emploi avec un employé (art. 41);
  • les documents relatifs aux conditions de travail – Ils doivent être offerts en français (obligatoire), et peuvent l’être dans une autre langue (facultatif);
  • les documents de formation – Tout comme les documents précédents, ils doivent obligatoirement être offerts en français et peuvent toutefois l’être dans une autre langue.

Selon Me Raymond Doray, associé chez Lavery, la notion de « personnel » renvoie ici à un ensemble plus large que celles de « salarié » ou de « travailleur » : « La notion n’est pas définie, mais elle semble avoir une portée beaucoup plus grande. Elle viserait l’ensemble des cadres et des personnes qui exercent leurs fonctions au sein de l’entreprise. »

Le PL96 prévoit tout de même qu’un employeur peut communiquer par écrit exclusivement dans une autre langue que le français avec un travailleur lorsque ce dernier en a fait la demande.

Les pratiques interdites

Le PL96 désigne certaines « pratiques interdites » pour les employeurs, et qui sont susceptibles d’engendrer des pénalités considérables.

Il est notamment interdit pour un employeur de congédier, de mettre à pied, de rétrograder, de déplacer ou de sanctionner autrement un membre de son personnel pour les raisons suivantes (art. 45) :

  • La personne parle uniquement le français;
  • La personne ne connaît pas suffisamment une langue autre que le français;
  • La personne a exigé le respect d’un droit découlant de la Charte.

Si un employeur n’est pas en mesure de démontrer qu’il a pris tous les moyens raisonnables pour justifier une exigence linguistique autre que le français, cette incapacité équivaut à une pratique interdite. Me Doray rappelle d’ailleurs que « lorsque vous exigez la connaissance de l’anglais ou d’une autre langue de la part du personnel, pour les fins d’une dotation ou d’une promotion, il est important de documenter le fait que vous avez pris les moyens raisonnables pour justifier cette exigence. »

Par ailleurs, l’article 45.1 énonce que « tout salarié a droit à un milieu de travail qui soit exempt de discrimination ou de harcèlement parce qu’il maîtrise peu ou pas du tout une langue autre que la langue officielle, parce qu’il revendique la possibilité de s’exprimer dans la langue officielle ou parce qu’il a exigé le respect d’un droit découlant des dispositions du présent chapitre. »

Cela amène une nouvelle obligation pour les employeurs de prendre des mesures raisonnables pour prévenir des conduites discriminatoires et faire en sorte qu’elles cessent dès qu’elles sont connues.

Le processus de francisation

La Charte de la langue française actuelle contient déjà un programme de francisation pour les entreprises de 50 employés et plus. À partir du 1er juin 2025, les entreprises de 25 employés et plus auront également l’obligation de se soumettre au processus prévu, notamment en respectant les étapes suivantes :

  • Inscription à l’Office québécois de la langue française (art. 139) qui mène à la délivrance d’une attestation d’inscription;
  • Analyse de sa situation linguistique par l’entreprise et remise des résultats à l’Office, dans un délai de trois mois suivant l’inscription (art. 139, al. 3);
  • Si les résultats satisfont à ses exigences, l’Office remet un certificat de francisation (art. 140). Dans le cas contraire, l’entreprise doit mettre en place un programme de francisation (art.  40) qui implique, entre autres, la production de rapports afin que l’Office puisse suivre l’évolution du programme.

Me Doray souligne qu’en cas de non-respect du processus de francisation, « les conséquences sont draconiennes. »

Le PL96 prévoit en effet que l’Office publiera sur son site Internet une liste des entreprises pour lesquelles elle a refusé de remettre une attestation ou un certificat de francisation, l’a suspendu ou annulé (art. 152). Ces dernières ne pourront alors obtenir de contrats ou de subventions du gouvernement, de ses ministères ou de ses organismes (art. 152.1).

Trois conseils

  • Demeurez au courant des demandes explicites de vos employés en matière de langue et documentez-les.
  • Priorisez la traduction des documents qui ont été précisément ajoutés aux dispositions du PL96.
  • Si votre entreprise possède 25 employés et plus, ou si vous prévoyez atteindre ce nombre dans les prochaines années, évaluez dès maintenant votre situation linguistique, et préparez-vous à l’inscription à l’Office.

Ressources

Si votre entreprise emploie moins de 50 personnes, vous pouvez bénéficier d’une évaluation gratuite en quelques minutes grâce à Mémo, mon assistant pour la francisation de l’Office québécois de la langue française.

Commentaires

Partager sur mon fil d’actualité

Powered by WP LinkPress

Inscrivez-vous à l’infolettre

  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.