Employés non vaccinés, que dois-je faire?

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18 octobre 2021

Geneviève Beaudin est associée et avocate en droit du travail et de l’emploi chez BCF. Dans le cadre de sa pratique, Geneviève conseille et représente des entreprises de juridictions provinciale et fédérale, dans leurs rapports tant individuels que collectifs du travail. À ce titre, elle traite des dossiers notamment en matière d’arbitrage de griefs, des droits de la personne, de normes du travail et d’accès à l’information.

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La situation sanitaire et le retour en présentiel ont soulevé bien des questions juridiques, notamment en ce qui a trait à la vaccination du personnel. Voici quelques pistes pour mieux aider les dirigeants et les gestionnaires à naviguer dans ce nouveau contexte.

Des employés vaccinés et non vaccinés dans les mêmes bureaux

Pour certains, le retour dans les bureaux est imminent. Pour d’autres, il a déjà eu lieu, mais avec un effectif réduit. Tandis que se profile un automne avec un taux d’occupation grandissant sur les lieux de travail, la question se pose pour les employeurs : quoi faire avec les employés qui refusent de se faire vacciner?

Car, on ne peut le nier : travailler à proximité d’une personne non vaccinée semble être un sujet d’inquiétude pour plusieurs. Dans un récent sondage mené par la firme Léger, en collaboration avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et du Gouvernement du Québec :

  • Un travailleur sur deux a indiqué être réticent à revenir au bureau en présence de collègues non vaccinés.
  • 70 % des personnes sondées se sont dites préoccupées à l’idée de revenir travailler avec des personnes non vaccinées.
  • 53 % des répondants ont d’ailleurs indiqué être favorables à la désignation d’un lieu de travail réservé aux personnes doublement vaccinées.

Mais bien avant les sentiments, les émotions ou les préférences, il y a une question de responsabilité juridique, d’une part comme de l’autre.

Vaccination : ce que dit la loi

Au Québec, le gouvernement pourrait imposer la vaccination à l’ensemble ou à une partie de la population. C’est la Loi sur la santé publique qui lui octroie ce droit. On a pu voir récemment que le gouvernement provincial a choisi d’imposer la vaccination obligatoire notamment pour tout intervenant du secteur de la santé et des services sociaux dont les activités impliquent des contacts directs avec les bénéficiaires de ces services.

Chez les employeurs, c’est plutôt les règles générales qui prévalent, dont les obligations prévues au Code civil du Québec. En vertu de l’article 2087, « l’employeur, outre qu’il est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié ».

Les devoirs des salariés

Mais il n’y a pas qu’aux employeurs que la loi incombe des devoirs en matière de santé et de sécurité. Selon l’article 49 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), le travailleur doit, entre autres :

  • prendre les mesures nécessaires pour protéger sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.
  • veiller à ne pas mettre en danger la santé, la sécurité ou l’intégrité physique des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité des lieux de travail.
  • participer à l’identification et à l’élimination des risques d’accidents du travail et de maladies professionnelles sur le lieu de travail.

S’ajoutent à ces dispositions toutes les questions relatives à la Charte des droits et libertés de la personne. À titre d’exemple, un employé pourrait alléguer que l’obligation de vaccination liée à son poste est discriminatoire. Il serait cependant nécessaire que ce dernier prouve qu’il a fait l’objet de discrimination en regard de sa religion ou de sa condition de santé pour que cet argument soit retenu.

Quelles mesures peut-on prendre?

« La question n’est pas véritablement de forcer un salarié à se faire vacciner, mais plutôt de savoir quelles mesures un employeur peut prendre à l’endroit de salariés non vaccinés. Une évaluation devrait être faite par chaque employeur, selon les risques propres à son entreprise et aux postes en cause. Il faut notamment prendre en compte la distanciation physique, la fréquence et la durée des contacts avec les autres salariés ou avec la clientèle, etc. Il y a tout un spectre de mesures qui peuvent être prises par les dirigeants, mais leur raisonnabilité dépendra des faits spécifiques à l’entreprise », explique Me Geneviève Beaudin, avocate en droit du travail et associée au sein du cabinet BCF.

Chaque cas doit être analysé individuellement, selon la juriste.

  • Par exemple, certains employeurs pourraient limiter l’accès aux locaux ainsi que la durée du temps passé sur le lieu de travail pour les personnes non vaccinées, incluant l’interdiction d’accès aux salles de réunion ou à la cafétéria.
  • Si une personne non vaccinée doit travailler étroitement avec d’autres collègues lors de certaines tâches, l’employeur pourrait réorganiser ses tâches pour éviter de telles situations, ou proposer qu’elle le fasse en télétravail.
  • Par ailleurs, un employeur pourrait aussi exiger que son ou ses employés non vaccinés effectuent un certain nombre de dépistages rapides chaque semaine, par exemple à raison de deux fois hebdomadairement.

« Un retrait du travail, sans rémunération, pourrait dans certains cas être envisagé. Mais je crois qu’avant d’en arriver là, un employeur doit avoir fait une évaluation sérieuse de la situation dans son entreprise, avoir conclu que les autres options ne sont pas envisageables dans le contexte et être en mesure de justifier sa décision », indique Me Beaudin.

Très peu de jurisprudence existe sur le sujet, pour le moment. Mais il y a fort à parier que des décisions — aussi minime soit leur nombre — seront rendues au cours des prochains mois, voire des prochaines années, balisant un peu plus la question.

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