Le contrat de travail individuel et la politique de télétravail

Éric Lallier prête main-forte aux employeurs québécois et canadiens et leur offre des conseils pratiques en lien avec une grande variété de questions juridiques.

Les résultats d’un sondage réalisé par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) dévoilés en juin 2021 témoignent de la forte adhérence des employés au mode de travail à distance, après l’avoir expérimenté au cours de la pandémie. En effet :

  • 38 % des télétravailleurs sondés souhaitaient poursuivre le télétravail à temps plein après la pandémie;
  • 24 % souhaitaient le faire avec une « pleine flexibilité accordée, sans aucune exigence »;
  • et 18 % optaient pour une formule hybride « avec une exigence de présence minimale au bureau déterminée selon une formule fixe et prédéterminée ».

Dans le contexte actuel où les travailleurs se font rares et où les entreprises tentent d’attirer et de conserver les talents, le télétravail demeure donc un enjeu extrêmement important.

Alors que certains candidats à l’embauche pourraient être tentés de négocier dans leur contrat certains aspects liés au télétravail, comment concilier la politique de télétravail d’une organisation avec la rédaction d’un contrat de travail individuel?

Mention de la politique dans le contrat

Éric Lallier, associé chez Norton Rose Fulbright et notamment spécialisé dans le droit de l’emploi et du travail, note d’abord que l’une « des façons de concilier l’existence d’une politique en matière de télétravail et d’un contrat de travail, c’est vraisemblablement d’incorporer à celui-ci des indications de l’existence de la politique et de préciser que l’employé devra s’y conformer. »

De cette façon, l’employeur fait en sorte que le contrat puisse suivre l’évolution de la politique de travail à distance, éventuellement appelée à s’adapter aux réalités changeantes de l’organisation.

Par exemple, en cette fin d’année 2021 où des employeurs sont toujours incertains de maintenir le télétravail ou de la façon dont ils le feront, c’est aussi une bonne idée, selon Éric Lallier, de « s’assurer que le contrat d’emploi établit clairement que le télétravail, sous toutes ses formes, ne constitue pas un droit ou un privilège acquis, mais que la situation peut être appelée à changer. »

Quel jeu pour négocier?

Si les modalités du télétravail sont clairement exprimées dans la politique de télétravail de l’organisation, le futur employé peut-il faire modifier certains aspects de cette politique pour son bénéfice personnel et les faire intégrer à son contrat de travail individuel?

Lorsqu’une entreprise choisit de mettre en place une politique de travail à distance cohérente et applicable à tous sans exception, en principe, il n’y a pas de négociation possible.

L’employeur doit donc, au cours du processus d’embauche, « communiquer clairement la politique de télétravail au candidat qui aspire à se joindre à l’organisation ou qu’on tente de convaincre de s’y joindre », explique Éric Lallier, qui ajoute cependant : « Mais il est évident que, dans certains cas, dans un milieu non syndiqué, il est aussi possible, justement, de créer des exceptions. Et si ces exceptions existent, il est important de les consigner par écrit et de les clarifier directement dans le contrat d’emploi. On revient toujours à cette idée d’essayer d’éliminer dans la mesure du possible la confusion ou les éléments qui seraient sujets à interprétation. »

Les points susceptibles d’être négociés

Quels sont les points qui pourraient faire l’objet de négociation de la part d’un futur employé? La réponse d’Éric Lallier fuse :

« Tout est sujet à négociation. »

Il relève cependant qu’en ce moment, les employeurs font face à une pléiade de questions de la part des candidats à l’embauche au sujet de deux aspects du télétravail en particulier.

Le financement de l’aménagement du poste de travail à domicile

Avec des questions sur les montants versés par l’entreprise pour cet aménagement, ou encore sur la présence d’une politique d’enveloppe flexible ou d’un fournisseur autorisé pour les matériaux ou les équipements qui seront utilisés, les candidats signalent aux employeurs qu’ils pourraient offrir des incitatifs intéressants en cette matière.

L’ampleur de l’interprétation de la notion de télétravail

Même constat en ce qui concerne cet aspect, et il est absolument primordial de le définir en amont du processus d’embauche. « Est-ce que je peux m’installer à Acapulco pour exécuter ma prestation de travail? Est-ce que je dois impérativement travailler à partir de mon domicile? Puis-je le faire à partir de mon chalet? D’un autre pays? D’une autre province? » Voilà le type de questions qui préoccupe les candidats.

Mais peu importe les points dont les candidats pourraient vouloir discuter, Éric Lallier insiste :

« La clarté, c’est vraiment l’enjeu. Dans le contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre, les entreprises sont prêtes à faire beaucoup de concessions pour recruter des employés. Et, oui, ces concessions-là doivent parfois être faites, mais pas au prix d’un manque de clarté. Parce que ça entraîne d’autres enjeux qu’on ne verra pas maintenant, mais qui surviendront dans les années à venir parce qu’à ce moment, on va payer le prix de la confusion qu’on aura créée au moment de l’embauche. »

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