Après un an, comment se passe l’horaire de 4 jours chez Eidos Montréal
La transformation du monde du travail s’accélère. Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à adopter la semaine de 32 heures réparties sur quatre jours, sans réduction de salaire. Pour les spécialistes de la gestion des ressources humaines, les PME qui instaurent l’horaire allégé font preuve d’avant-gardisme et se démarquent en tant qu’employeurs dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre.
Eidos Montréal, un studio de création de jeux vidéo, a fait cette transition. Depuis un an, l’entreprise offre à ses quelque 500 employés la semaine de quatre jours.
Le chef de studio, David Anfossi, raconte pourquoi et comment ces changements ont été instaurés et il explique l’incidence de l’horaire réduit sur la productivité et le bien-être des employés.
Une vision flexible du travail
Pour M. Anfossi, tout part d’une vision de l’organisation du travail au sein de l’entreprise.
« Notre vision est d’avoir une approche plus libérée face à l’organisation du travail et d’instaurer une structure organisationnelle moins pyramidale, moins militaire. On souhaite évoluer dans un écosystème plus organique, plus flexible et qui bouge en fonction des besoins. »
Aujourd’hui, tous les employés d’Eidos sont en télétravail et certains de ses experts jouissent de la flexibilité des heures de travail leur permettant de gérer des situations familiales ou autres.
« Pendant la pandémie, avec le télétravail, on a dû s’adapter à une nouvelle situation et on réalise que nos employés passaient beaucoup plus de temps devant l’écran, sans pauses entre les réunions. Quand on travaille de chez soi, la frontière entre la vie privée et le travail devient de plus en plus floue. »
Dans le but de récupérer un petit peu plus de temps en famille et de recréer un équilibre, Eidos décide de réduire la semaine de travail de 40 à 36 heures.
« Après un certain temps, on a sondé nos équipes et on s’est aperçu que le niveau de stress était encore très élevé malgré les changements; nous avons réalisé aussi que la limite était toujours floue entre le travail et la vie privée. »
Les dirigeants ont donc décidé de pousser plus en avant la transformation de leur structure organisationnelle en réduisant à 32 heures la semaine de travail.
« Pour trouver des façons d’implanter cet horaire tout en garantissant les livrables, on a tous travaillé ensemble pendant un mois à définir les actions qu’on devrait prendre dans chaque service dans le but d’avoir cette troisième journée de congé. »
Des employés productifs et moins stressés
L’horaire réduit est en vigueur chez Eidos depuis un an. Une surveillance assidue de certains critères de succès reliés au bien-être, mais aussi à la performance du studio révèle les constats suivants :
• 94 % des experts sont capables de livrer leur travail en 32 heures;
• 99 % des employés constatent qu’ils sont beaucoup moins stressés qu’ils l’étaient avant;
• les experts qui ont plus de mal à s’ajuster à la semaine de 32 heures, ce sont les gestionnaires.
Éliminer les pertes de temps pour plus d’efficacité
En matière d’efficacité, Eidos a choisi d’agir sur trois aspects précis : les réunions, les périodes réservées à la production et l’accès à l’information.
Réduire les réunions
David Andossi explique : « Un récent sondage démontre que depuis le début de la pandémie, le temps passé en réunion a triplé; ce temps de travail est perdu alors qu’on pourrait être plus efficace. Ce temps de réunion représente 2,5 millions de dollars par 1 000 personnes, par an. C’est hallucinant! Nous avons donc défini de nouvelles règles : toutes les réunions durent 30 minutes et si ça doit dépasser 30 minutes ça doit être justifié. »
Avoir des temps réservés au travail
Le deuxième gros changement dans l’horaire de travail fut l’implantation des temps de concentration pour assurer une meilleure concentration et une plus grande efficacité. Ainsi, les réunions sont limitées à certaines plages horaires afin de maintenir l’équilibre avec les temps de concentration.
Améliorer l’accès à l’information.
« Après analyse, on réalise que beaucoup de temps est passé à chercher de l’information, soit parce qu’elle n’est pas facilement accessible ou encore parce que les gens ne s’adressent pas aux bonnes personnes dans leurs recherches. Et pendant ce temps, le travail requis n’est pas fait. Notre défi est de rendre toutes ces informations-là plus accessibles, plus facilement, plus rapidement pour éviter la perte de temps. »
Des résultats impressionnants
Avec fierté, David Anfossi souligne que depuis l’instauration de ce nouvel horaire de travail, le taux de roulement du personnel de l’entreprise est trois fois inférieur à la moyenne de l’industrie à Montréal. En même temps, sa capacité de recrutement s’est accrue au point d’avoir un choix de candidats pour répondre à ses besoins.
« À mon avis, encore beaucoup d’entreprises se retrouvent avec des structures organisationnelles qui datent de l’ère industrielle. Dans ce genre d’organisation, il est possible d’introduire des changements graduellement en faisant des projets pilotes, par exemple, ou en faisant les choses en plusieurs étapes. Chez Eidos, on s’ajuste en permanence parce que, pour nous, ce sont seulement des étapes et non des finalités. »