Comment limiter la fatigue cognitive?
Dans le cadre du télétravail et du travail hybride, les travailleurs et les travailleuses n’ont jamais passé autant de temps en mode virtuel, le corps immobile, le regard fixé sur l’écran. Les innombrables visioconférences, la fatigue associée à la pandémie et à l’isolement, et le retour au bureau à la fois motivant, inquiétant et parfois dans un contexte bruyant comptent parmi les nombreuses causes de cette fatigue cognitive.
Les récentes statistiques sont surprenantes : une personne sur deux rapporte un effet négatif de la pandémie sur sa santé mentale, selon une étude de l’Université Laval. L’épuisement au travail, qu’il soit de nature émotionnelle, physique ou professionnelle fait partie de la réalité pour beaucoup d’entreprises au Canada. Les jeunes (18 à 24 ans) semblent plus touchés par les enjeux de santé mentale : environ le tiers des personnes sondées affirment vivre de l’anxiété ou souffrir de dépression. L’étude de l’Université Laval note que « le degré de détresse psychologique est plus faible chez les personnes travaillant en présentiel la majorité du temps que chez celles étant en télétravail la majorité du temps ou travaillant en mode hybride. »
Alors, quelles stratégies les entreprises peuvent-elles mettre en place pour soutenir leurs employé∙e∙s dans la gestion de cette fatigue cognitive? Isabelle Gagné, ergonome certifiée, associée et chef de pratique chez Intergo, a répondu à nos questions.
Reconnaître les symptômes et les risques de la fatigue cognitive
Isabelle Gagné confirme que la fatigue cognitive est un problème relativement récent.
« Tout travail d’ordre cognitif, intellectuel va solliciter l’attention, la concentration et la mémoire. Or, depuis le début de la pandémie, les gens sont connectés plus longtemps à leur travail et ils sont statiques, car tout se fait en ligne. On ne bouge pas beaucoup et on a toujours les yeux rivés sur un écran. Notre attention et notre concentration sont aussi sollicitées lorsqu’on reste longtemps devant l’ordinateur ou qu’on assiste à des réunions virtuelles. »
Lorsque les capacités cognitives sont sursollicitées, les gens vont se plaindre des symptômes suivants :
- Mal de tête;
- Fatigue oculaire;
- Difficultés de concentration ou d’attention;
- Fatigue générale et perte d’énergie.
La fatigue cognitive peut mener à l’épuisement professionnel. Les travailleurs et les travailleuses qui doivent déployer toujours plus d’efforts pour accomplir leurs tâches souffrent vite d’une surcharge. S’en suivent le sentiment d’échec et l’épuisement. D’où l’importance d’adapter les façons de travailler et de créer un environnement qui favorise le bien-être et la satisfaction.
La fatigue liée aux réunions virtuelles
Pour éviter que les réunions virtuelles deviennent une source de fatigue dans un contexte de travail hybride, Isabelle Gagné propose quelques conseils :
- Limiter la durée des réunions à 30 ou 60 minutes;
- Suivre un ordre du jour précis;
- Prévoir des pauses pendant la rencontre;
- Déterminer, en fonction des objectifs de la réunion, si la rencontre doit se tenir en mode virtuel ou présentiel.
« Indéniablement, il ne faut pas passer la journée en réunion. Il faut aller à l’essentiel. L’attention est trop soutenue et on ne bouge pas. L’être humain a besoin de bouger. »
Le retour au bureau : quelques bonnes pratiques
Faire participer les équipes
Alors qu’on se dirige vers la normalisation du travail hybride, Isabelle Gagné insiste sur l’importance d’inviter les travailleurs et les travailleuses à prendre part aux discussions sur les façons d’aménager le travail hybride.
« Plus les gens sont impliqués, plus ils ont un certain pouvoir sur les tâches à accomplir et les moyens pour le faire, plus ils auront l’impression d’être satisfaits. Ça fait partie des stratégies et des facteurs protecteurs en matière de santé mentale. Avoir une certaine marge de manœuvre et une certaine liberté, ça peut contribuer à augmenter la satisfaction au travail. »
Prévenir les irritants
Pour éviter les irritants qui peuvent surgir alors que l’on retourne au travail en présentiel, madame Gagné propose l’adoption d’un code de vie au bureau. Si les travailleurs et les travailleuses sont installé∙e∙s dans une aire ouverte, par exemple, le bruit peut nuire à la concentration et augmenter la fatigue. Dans ce cas, voici quelques bonnes pratiques à adopter :
- Créer une zone pour le travail individuel;
- Encourager le chuchotement et prévoir des zones réservées au travail collaboratif;
- Proposer l’utilisation d’écouteurs.
Favoriser le leadership
Finalement, l’experte rappelle que pour qu’une personne puisse fournir un travail de qualité et ainsi avoir un sentiment de satisfaction, elle doit jouir d’une marge de manœuvre dans l’organisation de ses tâches et de sa journée de travail. Deux suggestions :
- permettre au travailleur ou à la travailleuse de choisir les tâches à faire au bureau et celles à faire en télétravail;
- inviter les personnes qui composent les équipes à indiquer dans leur agenda qu’elles ne sont pas disponibles pour prendre part à des appels, du clavardage ou autre, et désactiver les notifications des équipes à certaines heures.
« En ergonomie, on aime beaucoup la notion de marge de manœuvre. Si les gens sont capables d’organiser leur horaire en fonction de la quantité et de la qualité du travail qu’ils ont à produire et de leur énergie cognitive, ça donne du pouvoir et une marge de manœuvre pour rester en santé physique et psychologique et cognitive. »