Changements climatiques et SST: Adapter les pratiques des employeurs
Introduction
Les changements climatiques constituent un défi majeur, ayant un impact sur divers aspects de nos vies, y compris la santé et la sécurité du travail (ci-après SST). Les employeurs au Québec doivent non seulement prendre en compte les risques avérés auxquels sont exposés leurs travailleurs, mais aussi anticiper et gérer les dangers émergents liés aux changements climatiques. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes, tels que les vagues de chaleur, les inondations, les tempêtes violentes, la pollution atmosphérique et les maladies liées aux vecteurs, entraîne des répercussions importantes sur les travailleurs et les milieux de travail. Une analyse du Forum économique mondial a établi que d’ici 2050, ces phénomènes pourraient entraîner 14,5 millions de décès supplémentaires dans le monde (FEM 2024). Face à ces défis croissants, il est essentiel que toutes les parties prenantes, y compris les employeurs, les instances gouvernementales et les travailleurs, se mobilisent pour s’adapter à cette nouvelle réalité.
Le gouvernement du Québec a franchi une étape importante en sanctionnant, le 28 mai 2024, la Loi sur la sécurité civile visant à favoriser la résilience aux sinistres (LSCRS), remplaçant ainsi la Loi sur la sécurité civile. Cette loi établit un cadre renforcé pour soutenir la résilience de la société, ainsi que des employeurs, en cas de catastrophe.
Cet article analyse les répercussions des changements climatiques sur la SST et présente des mesures préventives, ainsi qu’une approche systématique et proactive visant à promouvoir les bonnes pratiques, tout en assurant un environnement de travail sain et sécuritaire, conformément aux nouvelles dispositions législatives.
Contexte législatif
La nouvelle législation en matière de sécurité civile instaure un cadre renforcé pour la gestion des risques liés aux sinistres, impactant directement les employeurs ainsi que les propriétaires d’activités potentiellement à risque. En vertu de cette loi, les entreprises sont tenues de collaborer étroitement avec les autorités municipales, qui disposent désormais de pouvoirs accrus en matière de prévention et d’intervention. Les employeurs dont les activités ou installations présentent un risque de sinistre doivent soumettre une déclaration de risque aux autorités municipales locales. Cette obligation vise à assurer que les risques sont identifiés et pris en compte dans le cadre de la gestion des sinistres.
De plus, les municipalités ont la possibilité d’imposer des obligations supplémentaires aux employeurs dont les biens ou activités se trouvent sur leur territoire. Ces obligations peuvent inclure des mesures de prévention spécifiques ou des ajustements opérationnels afin de minimiser les risques. Les autorités municipales sont également habilitées à inspecter les installations des employeurs pour vérifier leur conformité aux règlements de sécurité civile, ces derniers doivent donc être préparés à ces inspections et se conformer aux exigences locales.
En cas de sinistre ou de déclaration d’état d’urgence, les employeurs peuvent être appelés à participer aux opérations d’intervention ou de rétablissement, suivant les directives des autorités locales afin de garantir la sécurité de leurs employés et de protéger leurs biens. Par ailleurs, les employeurs doivent se conformer aux nouvelles règles et procédures établies par les autorités locales et régionales en matière de gestion des risques de sinistre. Cela inclut la mise en place de plans de sécurité internes et la coopération avec les autorités compétentes en cas de crise.
Ces dispositions visent à intégrer les employeurs dans un cadre de gestion des risques plus rigoureux, assurant ainsi une meilleure préparation et une réponse plus efficace en cas de sinistre.
Contexte et enjeux des changements climatiques
Les changements climatiques affectent les environnements de travail de manière significative, avec des répercussions à la fois directes et indirectes.
Impacts directs
Les évènements climatiques extrêmes entraînent des répercussions directes sur les travailleurs. Les vagues de chaleur, par exemple, peuvent entraîner des coups de chaleur, des crampes musculaires et une fatigue accrue, augmentant ainsi les risques pour la santé, notamment chez ceux qui travaillent à l’extérieur dans les secteurs de la construction, de l’agriculture, et des transports. Selon le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (CCHST), les travailleurs exposés à des températures élevées risquent également des maladies cardiovasculaires et des maladies rénales. Les inondations, quant à elles, exposent les travailleurs à des dangers tels que la noyade, les blessures causées par des objets flottants ou encore le risque d’électrocution. Les tempêtes représentent également une menace importante, pouvant provoquer des effondrements de structures, des chutes d’objets ou des blessures dues à des débris emportés par le vent.
Impacts indirects
Les changements climatiques influencent également la SST de manière indirecte. La qualité de l’air peut se détériorer en raison de l’augmentation des polluants atmosphériques et des allergènes, aggravant ainsi les maladies respiratoires chez les travailleurs. Selon le rapport de l’Organisation internationale du Travail (OIT) intitulé Assurer la sécurité et la santé au travail à l’heure du changement climatique, la pollution de l’air, à laquelle plus de 1,2 milliard de travailleurs sont exposés, provoque plus de 860 000 décès par an. De plus, les conditions climatiques favorisent la prolifération d’insectes et d’autres vecteurs de maladies, augmentant ainsi les risques sanitaires liés aux maladies transmises par ces vecteurs, telles que la maladie de Lyme ou le virus du Nil occidental. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les maladies vectorielles représentent plus de 17 % des maladies infectieuses mondiales et causent plus de 700 000 décès chaque année.
Mesures de prévention
Afin de relever ces défis, il est essentiel de mettre en œuvre des mesures préventives appropriées. Celles-ci doivent être incorporées aux politiques de SST des entreprises et ajustées en fonction des particularités de chaque secteur d’activité.
En ce qui concerne l’adaptation des lieux de travail, il est important de renforcer les bâtiments et infrastructures afin qu’ils puissent résister aux évènements climatiques extrêmes. De plus, il convient d’adapter les conditions de travail, notamment en ajustant les horaires pour éviter les périodes de forte chaleur, et en installant des systèmes de ventilation et de climatisation adéquats. De plus, il est conseillé d’augmenter la fréquence des pauses pour les travailleurs lors des jours de forte chaleur.
Les employeurs doivent fournir à leurs travailleurs des équipements de protection individuelle (EPI) adaptés. Par exemple, dans la situation où les incendies de forêt sont plus fréquents dus aux changements climatiques, les travailleurs exerçant dans des zones adjacentes peuvent être exposés à des fumées dangereuses. Fournir des masques respiratoires et limiter les activités extérieures permet de réduire les risques pour leur santé.
Enfin, la formation et la sensibilisation des travailleurs jouent également un rôle clé dans la prévention des risques liés aux changements climatiques. Il est indispensable de mettre en place des programmes de formation et des campagnes de sensibilisation pour informer les travailleurs sur les risques spécifiques et les mesures de prévention à adopter.
Recommandations pour les employeurs
Pour renforcer la résilience des organisations face aux changements climatiques, les employeurs doivent adopter une approche proactive. Voici quelques recommandations pratiques :
L’analyse des risques climatiques constitue une étape essentielle pour anticiper les impacts des changements climatiques sur les différents secteurs d’activité. Il est nécessaire de procéder à une analyse approfondie des risques climatiques spécifiques à chaque secteur, tout en identifiant les zones géographiques et infrastructures les plus vulnérables.
Les employeurs doivent intégrer des réponses spécifiques aux phénomènes climatiques dans leurs plans d’urgence. Ces plans doivent notamment prévoir des procédures d’évacuation en cas de tempête, des protocoles pour garantir une hydratation adéquate lors des vagues de chaleur, ainsi que des stratégies pour assurer la continuité des opérations en cas d’interruptions dans les chaînes d’approvisionnement.
Il est également recommandé de mettre en place des systèmes de suivi et d’évaluation de l’impact des changements climatiques sur la SST. Cela permet d’ajuster en continu les mesures de prévention en fonction des changements climatiques et des nouveaux risques identifiés.
Enfin, il est recommandé de favoriser la collaboration intersectorielle. La coopération entre employeurs, travailleurs et autorités publiques permet de partager les bonnes pratiques et de développer des stratégies communes face aux changements climatiques.
Conclusion
L’adaptation aux changements climatiques est une responsabilité partagée entre les employeurs, les autorités locales et les travailleurs. L’innovation, notamment en matière d’infrastructures et d’équipements de protection, jouera un rôle clé pour faire face aux phénomènes météorologiques de plus en plus imprévisibles et extrêmes. Les organisations qui sauront s’adapter rapidement à cette nouvelle réalité non seulement garantiront la sécurité de leurs employés, mais se distingueront également en tant que leaders dans la gestion des risques liés aux changements climatiques.
Il est donc primordial pour les employeurs de repenser leurs pratiques en SST, d’innover et de s’adapter aux changements climatiques, tout en assurant la durabilité de leur organisation et la protection de leurs travailleurs.