Le cyberharcèlement et sa prise en charge dans un contexte virtuel

Éric Lallier prête main-forte aux employeurs québécois et canadiens et leur offre des conseils pratiques en lien avec une grande variété de questions juridiques.

Le harcèlement psychologique en milieu de travail est un enjeu connu depuis longtemps. Et avec l’augmentation des communications numériques occasionnée par le télétravail, sa version virtuelle, le cyberharcèlement, prend de l’ampleur.

Un sondage réalisé par l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) indique en effet qu’en 2020, 29 % des travailleurs québécois ont été victimes ou témoins de cyberharcèlement, contre 18 % en 2016.

Mais comment gérer le phénomène lorsque le « milieu de travail » n’est plus unique, mais éclaté, et que les échanges entre collègues – ou avec des supérieurs, des fournisseurs ou même des clients – peuvent facilement passer sous le radar?

Éric Lallier, associé chez Norton Rose Fulbright et avocat spécialisé en droit de l’emploi et du travail, en santé et sécurité, et en droits de la personne, amorce ici la réflexion.

Qu’est-ce que le cyberharcèlement?

Légalement, la définition du cyberharcèlement s’attache à celle du harcèlement psychologique.

Cette dernière englobe en effet les différentes formes que peut prendre le harcèlement, comme physique, verbale, sexuelle ou… virtuelle. L’article 18.81 de la Loi sur les normes du travail stipule que le harcèlement psychologique se définit par :

    • une conduite vexatoire (humiliante, offensante)
    • se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés qui sont hostiles ou non désirés
    • laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié
    • et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.

À noter qu’un événement unique, mais grave – des menaces de mort, par exemple –, pourrait être assimilé à du harcèlement malgré l’absence de répétition.

Pour le moment, rien dans la loi ne vise précisément le télétravail. Et pour M. Lallier, ce n’est absolument pas un problème :

« En matière de harcèlement, pour moi, c’est très clair. Que ce soit sur le Web, dans le nuage, que ce soit par les technologies ou au bureau, les concepts s’appliquent très bien. Collectivement, dans le milieu de travail, qu’il soit numérique ou physique, il faut se comporter de façon adéquate. »

Les enjeux reliés au télétravail

Mais le télétravail comporte son lot d’enjeux en matière de harcèlement. Parmi ceux-ci, on compte :

    • l’isolement des travailleurs;
    • l’invisibilité des comportements fautifs;
    • les pièges de l’expression et de la compréhension écrites ou verbales sans support visuel;
    • et le prolongement des périodes où les communications professionnelles sont possibles.

La distance physique et les nouvelles pratiques de travail exigent des employeurs et des gestionnaires qu’ils s’adaptent. Et ces défis ne doivent aucunement leur servir de justification pour se soustraire à leurs responsabilités et obligations, soit prévenir le harcèlement, et régler toute situation problématique qui serait portée à leur attention.

« Comme organisation, on ne peut pas se déresponsabiliser de son rôle de gestion parce qu’on est à distance. On doit trouver des moyens de maintenir une très bonne communication avec les employés », souligne Éric Lallier.

La prévention

Les gestionnaires disposent de plusieurs moyens pour demeurer proactifs dans leur approche du cyberharcèlement. Ils peuvent notamment s’assurer :

    • d’avoir une politique claire, et au besoin, adaptée à la réalité du télétravail;
    • de transmettre cette politique à chaque personne dans l’organisation, en s’assurant qu’elle soit bien comprise par tous, en l’accompagnant, au besoin, d’un volet éducatif;
    • de mettre en place des processus d’évaluation et de vérification afin d’éviter les escalades;
    • de garder ouvert et actif le canal de communication avec chaque employé, en prenant soin de n’oublier personne.

« Moi, explique M. Lallier, je recommande qu’il y ait des directives très claires aux gestionnaires de communiquer avec leurs employés, de prendre de leurs nouvelles, de faire des suivis sur des questions précises, comme les interactions entre les équipes pour éviter que des situations ne soient pas connues. Car lorsqu’elles sont connues, eh bien, il est trop tard. »

La gestion des cas

Si toutefois l’employeur reçoit une plainte, il n’y a pas d’équivoque. « Le harcèlement, en milieu de travail physique, ou le cyberharcèlement, les échanges inadéquats, ou toute situation problématique, ça devrait être tolérance zéro », déclare Éric Lallier.

La réponse devrait être : « intervention immédiate et enquête. Il faut savoir s’il y en a [du cyberharcèlement], et prendre des mesures pour corriger le problème. »

En matière de cyberharcèlement, le mot d’ordre semble donc être le même que pour les autres sphères touchées par la croissance du télétravail : s’adapter.

Avec la multiplication des moyens et des plateformes de communication virtuelle :

« Il faut qu’une entreprise ou organisation qui prend ces responsabilités à cœur s’occupe de ça, conclut M. Lallier. On ne peut pas seulement constater que l’on est passé de l’ère physique à l’ère numérique; il faut aussi adapter la façon dont on respecte nos obligations en conséquence. Ça veut dire diligence et communication. Il faut reconnaître l’enjeu et le prendre en charge. »

 

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