Les répercussions du sentiment d’injustice sur le rendement des organisations
De nos jours, le sentiment d’injustice en entreprise et les risques connexes pour le rendement sont des préoccupations réelles pour les PME. En contexte de pénurie de main-d’œuvre, où les questions de rémunération sont nombreuses, les employeurs travaillent fort sur la rétention de leurs talents. Malheureusement, la situation actuelle (et la vie en entreprise en général) peut engendrer un sentiment d’injustice. Et qui dit sentiment d’injustice dit désengagement, voire démission.
Jean-François Bertholet est enseignant à HEC Montréal, conférencier, intervenant à l’APM et consultant en développement du leadership et en diagnostic du climat de travail. Auteur du livre Le sentiment d’injustice en entreprise : anticiper pour assurer la performance, sa mission est d’aider les organisations à améliorer leur climat de travail et leur rendement, en faisant le pont entre la rigueur académique et la réalité pratique.
« Le bien-être du personnel peut très bien favoriser le succès de l’entreprise. Les preuves scientifiques en ce sens abondent. Je travaille à aligner les intérêts du personnel et des cadres pour qu’ils réalisent leurs projets. À ce que la structure des organisations fasse appel aux meilleurs anges de notre nature. C’est un jeu à somme non nulle! »
Dans un contexte inflationniste, quelles sont les répercussions du sentiment d’injustice ou de justice en ce qui concerne la rémunération? En quoi l’inflation et la pénurie de main-d’œuvre peuvent-elles alimenter ce sentiment et quels signes doit-on surveiller pour le détecter?
Le sentiment d’injustice en entreprise est l’un des plus grands prédicteurs d’engagement, de santé, de rendement et de roulement de personnel, selon M. Bertholet. Le sentiment d’injustice part d’une logique de comparaison : la personne regarde sa situation et estime qu’elle mérite d’être mieux traitée lorsqu’elle se compare avec d’autres.
Le sentiment d’injustice ou de justice en milieu de travail, ce n’est pas nouveau. Mais le contexte inflationniste, jumelé à une grave pénurie de main-d’œuvre, vient mettre de l’huile sur le feu.
Compte tenu de l’inflation et de la surchauffe du marché du travail, certaines personnes peuvent avoir l’impression d’être laissées pour compte au travail. Au sein des entreprises, la pénurie de main-d’œuvre entraîne parfois de la surenchère salariale. De plus, les conditions de travail peuvent provoquer, chez du personnel en poste depuis des années, le sentiment que leur loyauté n’est pas appréciée ou que leur salaire n’est pas à la hauteur de leur engagement ni de leur compétence.
Voici les meilleures pratiques à suivre pour éviter qu’un sentiment d’injustice se développe chez votre personnel :
- Soyez à l’écoute de votre personnel; si vous entendez les gens dire « c’est pas juste», c’est mal parti;
- Développez la sensibilité des gestionnaires de PME et des chefs d’équipe;
- Visez l’équité et la méritocratie;
- Reconnaissez qu’il est plus facile de se comparer qu’avant; les médias sociaux et les jeunes générations ont changé la donne;
- Ayez la capacité de justifier le salaire ou les conditions de travail en fonction des exigences du poste et du travail accompli;
- Tenez compte du personnel déjà en poste si vous devez plonger dans une spirale de surenchère pour combler le manque d’effectifs;
- Trouvez un juste équilibre et évitez les écarts salariaux difficilement explicables;
- Comprenez que le sentiment d’injustice ne s’applique pas qu’au salaire, mais aussi aux promotions, aux vacances, aux mandats accordés, etc.;
- Traitez votre personnel de manière équitable; dans le doute, faites-les participer au choix des solutions;
- Comprenez l’importance de la perception; même si elle n’est pas nécessairement fidèle à la réalité, la perception influence le comportement;
- Faites preuve de transparence dans les processus entourant les échelles et les augmentations salariales.
« Dans beaucoup d’entreprises, à cause de la situation qui prévaut sur le marché du travail, les gens sont nombreux à faire une remise en question, conclut Jean-François Bertholet. La pénurie de main-d’œuvre étant bien réelle, c’est la loi de l’offre et de la demande qui prime, ce qui donne parfois l’impression qu’il est plus avantageux de changer d’emploi que de garder le même. Il est donc important de prendre soin des gens en place pour s’assurer qu’ils le restent. Finalement, il est possible de renforcer le sentiment de justice en entreprise de façon pratique en se fiant aux plus récentes recherches sur ce thème fascinant et encore méconnu. »