Comment aborder la nouvelle relation gestionnaires-personnel
La relation employeur-employé∙e a changé au cours des dernières années. Les employeurs qui avaient plus d’influence et pouvaient profiter d’un grand bassin de candidat∙e∙s font face aujourd’hui au manque de main-d’œuvre et à la transformation du monde du travail. Comment faire pour aborder cette nouvelle réalité qui change la dynamique employeur-employé∙e? « Nous sommes dans un nouveau marché du travail, et c’est un marché de candidat∙e∙s! », lance Denis Hamel, vice-président aux politiques de développement de la main-d’œuvre au Conseil de patronat du Québec (CPQ).
Pour l’employeur, c’est un casse-tête.
« Il manque de monde; 250 000 postes sont vacants au Québec, ce qui représente 6,2 % des postes. On estime qu’il manque une personne sur 15 dans toutes les entreprises; dans le cas de certaines PME, c’est une personne sur dix ou une sur cinq qui manque. »
Selon M. Hamel, trois phénomènes expliquent cette évolution du marché du travail :
- La génération Y, de 25 à 40 ans, remplace les boomers et apporte une nouvelle dynamique sur le marché du travail;
- Il y a un déséquilibre sur le marché du travail : le départ à la retraite des boomers signifie que le quart de la main-d’œuvre disparaîtra d’ici 2030 et les conséquences se feront sentir pendant la prochaine décennie;
- La pandémie a complètement changé le marché du travail; le télétravail fait maintenant partie des mœurs.
Pour contrer ce déséquilibre entre l’offre et la demande de main-d’œuvre, l’employeur doit devenir attractif et faire preuve de flexibilité et d’imagination. Certains leviers sont à sa disposition, estime Denis Hamel :
- Le salaire. Augmenter les salaires, c’est attractif, mais ce n’est pas à la portée de tous les secteurs, et on ne peut pas toujours répercuter sur les prix les augmentations de salaire des employé∙e∙s. La question salariale ne change pas; on aspire tous à avoir de bonnes conditions de vie et une retraite heureuse.
- Le bonheur. Les gens veulent des emplois intéressants qui permettent d’acquérir des connaissances et de se surpasser. Ici, l’économie traditionnelle rencontre la sociologie : les travailleurs et les travailleuses veulent un emploi qui va maximiser leur bonheur plutôt que leur revenu. « Le bonheur, précise Denis Hamel, est lié à la capacité de travailler en équipe, de se sentir valorisé dans son travail. On est aux antipodes des conventions collectives ou l’ancienneté garantissait l’avancement. Aujourd’hui, c’est l’avancement par la performance, par le dépassement de soi; c’est comme ça que le bonheur se manifeste au travail. »
- Les horaires flexibles. Les gens veulent pouvoir gérer leur horaire afin de maximiser leur temps personnel; ils veulent les avantages d’un travailleur ou d’une travailleuse autonome, mais en étant salarié∙e∙s. Pour l’employeur, cela nécessite une révision des tâches et des processus dans le but d’avoir une organisation du travail plus flexible. Cependant, chaîne de montage oblige, ce ne sont pas tous les employeurs qui ont la possibilité d’offrir ce que les employé∙e∙s demandent en matière de flexibilité.
- Équité, diversité, inclusion. Ces thèmes dont on parlait très peu il y a quelques années sont aujourd’hui une nécessité. Denis Hamel est catégorique : « Les entreprises qui se tournent vers l’inclusion, vers la diversité s’en sortent mieux financièrement, elles sont plus attractives et génèrent beaucoup d’activités positives sur les réseaux sociaux. Les entreprises qui font preuve d’ouverture affichent une meilleure performance; elles vont grandir et évoluer beaucoup plus vite dans le marché actuel. »
« Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, un employeur qui refuse ces changements-là, va manquer le bateau, met en garde Denis Hamel; les gens ont le choix d’aller où ils veulent et, aujourd’hui, un employeur qui n’offre pas la possibilité de télétravail ou de mode hybride va se condamner, carrément. C’est la fin du modèle de gestion hiérarchisée. Pour la petite entreprise, cela représente des défis importants, mais en général, les PME sont plus flexibles et sont capables de s’ajuster à ces nouvelles réalités économiques. »
Le CPQ estime que les employeurs québécois sont beaucoup plus dans l’ouverture aux changements que dans la résistance. « Je suis très optimiste de voir l’évolution de l’attitude des employeurs, surtout depuis l’arrivée de la pandémie. Je pense qu’on s’en va vers un monde du travail beaucoup plus intéressant, pour les employeurs et, surtout, pour les employé∙e∙s. Pendant la pandémie, les employeurs se sont démarqués par leur flexibilité et leur originalité, et c’est contagieux. Comme le Québec est une économie de PME, on voit cette effervescence animer les entreprises. Je dirais même qu’actuellement, les employeurs sont de plus en plus nombreux à adopter de nouveaux modèles qui leur permettent d’aller chercher cette main-d’œuvre, plus rare et plus exigeante. Nécessité fait loi. »