Microagressions : mieux les reconnaître pour les éviter

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12 mai 2023

Les microagressions en milieu de travail peuvent miner les efforts des entreprises qui souhaitent instaurer une culture d’équité, de diversité et d’inclusion (ÉDI). Olivia Baker, chargée de programme à la Fondation Émergence, parle des microagressions qui touchent particulièrement la communauté LGBTQ+, de leurs conséquences chez celles et ceux qui les subissent et des moyens pour y mettre fin.

Qu’est-ce qu’une microagression?

Olivia Baker définit les microagressions comme « des gestes, des paroles ou des comportements qui sont blessants, même s’ils peuvent paraître anodins. » Comparées aux agressions, plus bruyantes (insultes proférées) et plus visibles (coups frappés), les microagressions se font plus discrètes et sont dirigées contre des personnes issues de communautés marginalisées, en raison de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur ethnie, de leur âge, etc.

La notion de répétition est importante dans la microagression, ce qui peut la rapprocher du harcèlement psychologique. Mais alors que le harcèlement en milieu de travail peut être défini comme « la tentative répétée et persistante de tourmenter, de diminuer ou de frustrer une personne ou de provoquer chez elle une réaction », la microagression ne provient pas nécessairement de la même personne, et n’est pas non plus nécessairement intentionnelle. En fait, c’est souvent le contraire, mais c’est bien la répétition des événements dénigrants qui finit par entraîner des conséquences néfastes.

Exemples de microagressions envers les personnes LGBTQ+

« Chaque identité va vivre des réalités différentes », souligne Olivia Baker, même si certains comportements indésirables peuvent être rattachés à plusieurs orientations ou identités.

Chez les hommes gais, par exemple, il est courant que des microagressions soient liées au fait de présumer qu’ils s’intéressent à telle ou telle chose, ou pas.

« On va partir du principe que cette personne va s’y connaître en décoration, qu’elle va aimer le magasinage et la mode et qu’elle ne va pas aimer le hockey ou aller chez Home Depot », explique la chargée de programme.

Les microagressions prennent souvent la forme de paroles, et les blagues homophobes sont parmi les manifestations les plus évidentes.

En réaction à un homme qui dévoile qu’il est gai, « un collègue masculin va lui dire, “en tout cas, j’espère que tu ne vas pas commencer à me faire des avances, hein?” », rapporte Olivia Baker, qui ajoute qu’en présumant des comportements chez les personnes LGBTQ+, leurs interlocuteur·trice·s se distancient d’elles, en quelque sorte, ce qui a un effet « rassurant » pour la personne qui parle ou qui agit, mais contribue à l’exclusion de l’autre.

Elle souligne un autre point important : parfois, les microagressions proviennent de bonnes intentions. « Pour essayer de faire un pont avec cette distance, on va avoir des comportements qui vont être “trop”. Par exemple, en réaction à un coming out, des gens vont dire “Ah, mais moi, je suis bien correct avec ça, j’ai un cousin qui est gai”. Ça, c’est plus une maladresse, mais encore une fois, ça indique : “tu es différent, mais je t’accepte quand même.” »

Vous en avez peut-être aussi croisé :

  • des personnes trans qui se font mégenrer (attribuer une autre identité de genre que la leur);
  • des femmes lesbiennes et bisexuelles qui gardent leur orientation confidentielle et qui se font demander par des collègues si elles ont un chum;
  • une femme trans dont les jupes ne sont pas du tout acceptées au travail, mais dont la collègue à l’allure masculine ne dérange personne;
  • une femme lesbienne enceinte qui se fait poser beaucoup de questions « que généralement, on ne poserait pas forcément à une femme hétérosexuelle qui est enceinte »;
  • et toutes les personnes LGBTQ+ qui se font poser des « questions qui sont vraiment inappropriées, sur leurs pratiques sexuelles, notamment. »

Pourquoi s’occuper des microagressions au travail?

D’abord, parce que les microagressions n’ont de « micro » que le nom. Leur accumulation peut amener les victimes à « ressentir davantage de stress, d’anxiété, de dépression et de colère, ce qui peut diminuer leur productivité et causer un épuisement professionnel. »

Olivia Baker cite d’ailleurs une étude de 2016, Experiences of LGBT Microaggressions in the Workplace: Implications for Policy, qui s’avère particulièrement éloquente sur le plan des répercussions des microagressions sur les personnes LGBTQ+ qui en font les frais dans leur milieu de travail.

Parmi les personnes interrogées, « environ 80 % disaient que ça avait un impact négatif sur leur sentiment de bien-être et sur leur humeur pour le reste de la journée, que ça les amenait à se poser des questions sur la façon dont leurs collègues les voyaient, que ça avait aussi un impact négatif sur leurs relations avec leurs collègues, et que ça diminuait leur satisfaction au travail. Un peu plus de 50 % disaient que ça leur avait fait penser à quitter leur travail. »

Quelques conseils

Aux gestionnaires qui souhaitent s’attaquer à cette problématique, Olivia Baker fait quelques recommandations.

Donner l’exemple

L’expérience a appris à Olivia Baker qu’en entreprise, les gestionnaires sont souvent responsables de donner « le ton de ce qui est acceptable ou pas ». Elle rappelle que ces dernier·ère·s ont la responsabilité d’adopter des pratiques et un langage exemplaires.

S’informer

Il est important de s’informer adéquatement sur les façons d’agir et de réagir avec les personnes LGBTQ+ (et les autres membres des communautés marginalisées, bien entendu), tant au quotidien qu’à l’occasion d’une microagression en tant que telle. Pour cela, le mieux est d’organiser une formation réunissant gestionnaires et personnel.

Intervenir

Il est très important pour les gestionnaires d’intervenir lorsqu’ils∙elles sont témoins d’une microagression. D’abord, pour inciter la personne fautive à ne pas répéter son comportement. Ensuite, pour indiquer clairement aux personnes présentes qu’il ne faut pas l’imiter. Finalement, pour être la voix des témoins qui seraient blessé∙e∙s par le comportement, mais qui n’oseraient pas parler ou réagir.

 

Ressource :

La Fondation Émergence offre le programme ProAllié, qui vise à créer des milieux de travail qui assurent la sécurité et l’inclusion des personnes LGBTQ+. Le programme inclut des formations ainsi que des outils de sensibilisation.

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