Le bien-être organisationnel : levier d’attraction et de rétention

Bien que l’incertitude économique actuelle semble affaiblir quelque peu la position privilégiée des travailleurs et des travailleuses dans le rapport de force du marché de l’emploi, il est indéniable que l’attraction et la rétention de la main-d’œuvre demeurent des enjeux critiques pour les organisations. 

Selon une étude récente réalisée par Gallagher auprès de plus de 500 organisations, pas moins de 40 % des employeurs canadiens ont enregistré un taux de roulement supérieur à leurs attentes en 2022, la majorité citant la rémunération comme principal facteur déterminant.  

Ces dernières années, les organisations ont dû réagir promptement aux défis du marché de l’emploi en privilégiant souvent le salaire comme principal levier d’attraction et de rétention. Cependant, dans le contexte actuel où plusieurs employeurs sont contraints de réduire leurs effectifs ou de modérer leur progression salariale, la mobilisation du personnel repose de plus en plus sur une combinaison de facteurs interdépendants qui intègrent le bien-être physique, émotionnel, professionnel et financier. Face à cette réalité, la nécessité de se doter d’une véritable stratégie en matière de bien-être organisationnel s’impose désormais.  

Premier volet d’une série de cinq rapports annuels, l’étude de Gallagher sur le bien-être organisationnel met en évidence les tendances actuelles et émergentes de la main-d’œuvre, offrant ainsi des pistes stratégiques pour aider les dirigeant·e·s à renforcer leur position en matière d’attraction, de rétention et de mobilisation des talents. Mais avant d’en dévoiler les principales conclusions, attardons-nous d’abord aux fondements.  

Qu’est-ce que le bien-être organisationnel? 

Le bien-être organisationnel se rapporte à l’état global de la santé physique, émotionnelle et financière du personnel au sein d’une organisation. Ce niveau de bien-être englobe tous les aspects qui influencent la relation entre un employeur et un·e employé·e, soit : la santé physique et émotionnelle, la satisfaction au travail, l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle, la culture organisationnelle, le développement professionnel, ainsi que la perception de l’engagement de l’organisation envers le bien-être de sa force de travail. Il vise à créer un environnement de travail sain et positif qui favorise la productivité, la rétention du personnel et la réalisation des objectifs organisationnels. 

Le bien-être organisationnel englobe donc un large éventail d’éléments, ce qui pose un défi de taille aux gestionnaires qui doivent déterminer avec précision les variables pertinentes à intégrer dans leur stratégie RH pour soutenir les efforts d’attraction et de rétention. Et cette tâche est d’autant plus complexe, du fait que la pertinence de ces variables évolue non seulement dans le temps, mais aussi en fonction du contexte propre à chaque organisation, des caractéristiques de sa main-d’œuvre et des événements affectant le marché de l’emploi. 

5 principales tendances et pratiques émergentes 

1. Amélioration de la rémunération globale et création d’un environnement de travail flexible pour stimuler l’attraction et la rétention 

Les employeurs désignent l’attraction (64 %) et la rétention (57 %) comme étant les principaux défis influençant leurs décisions en matière d’avantages sociaux, en augmentation de cinq points, dans les deux cas, par rapport à 2022.  

Plus des deux tiers des employeurs canadiens (69 %) prétendent avoir amélioré leurs salaires de base pour atteindre leurs objectifs de fidélisation et de recrutement, tandis que 29 % affirment avoir augmenté leur rémunération variable et leurs primes.   

Notons qu’il existe diverses approches autres que monétaires pour bonifier la rémunération, puisque les organisations ne peuvent dépasser un certain seuil dans les augmentations sans risquer de créer un déséquilibre de leurs échelles salariales et budgets. Il est intéressant de noter que, selon le sondage Gallagher sur les prévisions salariales 2024 mené au cours de l’été 2023, 44 % des 567 organisations participantes mentionnent avoir utilisé des programmes non monétaires, par exemple le développement de carrière, comme mesures d’attraction et de rétention. Il s’agit de programmes qui sont grandement valorisés par les employé·e·s et qui sont parfois moins coûteux pour les organisations.  

Entre 2022 et 2023, 47 % des employeurs ont modifié leurs régimes d’avantages sociaux, 36 % d’entre eux y ayant apporté des améliorations. Le bien-être émotionnel a été privilégié par 74 % des employeurs, tandis que l’importance attribuée aux aspects financiers (38 %), physiques (36 %) et professionnels (35 %) est restée relativement stable. 

Parallèlement, les employeurs ont instauré des politiques de travail flexibles, permettant des horaires de travail variés et favorisant le télétravail. Cette tendance du télétravail a d’ailleurs connu une progression significative, passant de 52 % en 2021 à 71 % en 2022, puis à 76 % en 2023.  

Bien que 60 % des employeurs désignent la rémunération comme étant le facteur déterminant du taux de roulement, ce qui renforce réellement l’engagement ou la mobilisation au travail, du point de vue des employé·e·s, ce serait plutôt la qualité de la gestion, le développement des compétences, le développement professionnel, la reconnaissance, de même que la correspondance des valeurs de l’organisation avec leurs propres convictions. La rémunération directe (salaire et boni) et indirecte (p. ex. assurances collectives et régime de retraite) représente donc une condition nécessaire à l’engagement et à la mobilisation, mais elle est de toute évidence insuffisante. 

Un autre point intéressant à noter est l’usage croissant des relevés de rémunération globale au sein des organisations. L’élaboration de relevés personnalisés et complets témoigne de l’engagement de l’employeur à offrir des avantages qui répondent aux besoins spécifiques de sa main-d’œuvre et qui vont au-delà du simple salaire. Lorsque les avantages sociaux sont bien harmonisés avec les intérêts de la main-d’œuvre, de tels relevés contribuent à améliorer l’expérience-employé.

2. Intégration de normes de diversité et d’inclusion

Les questions de diversité, d’équité et d’inclusion (DÉI) représentent un défi important pour les dirigeant·e·s. Bien que le sujet ait été au centre de l’attention depuis quelques années, on observe un certain essoufflement.  

Les projets DÉI sont avant tout des initiatives visant à changer ou à faire évoluer la culture, ce qui nécessite un accompagnement des gestionnaires et du personnel pour les aider à prendre conscience de leurs biais et des contextes nécessitant des changements de comportements. 

Le succès de telles initiatives repose sur le soutien indéfectible et clair de la direction générale, une vision claire de l’objectif, une conception en mode projet avec un budget propre et des indicateurs de performance, ainsi que des délais réalistes pour observer et mesurer les changements.  

Malheureusement, de nombreuses organisations n’ont pas été suffisamment rigoureuses et n’ont pas alloué de budget ni de temps nécessaires pour maximiser leurs chances de réussite en matière de DÉI. Cela dit, il n’est certainement pas trop tard pour ajuster le tir, surtout dans un contexte où le Canada mise beaucoup sur l’immigration. 

3. Engouement pour les technologies RH

L’étude révèle que 72 % des employeurs ont mis en place une stratégie axée sur les technologies RH pour surveiller les tendances et évaluer l’adéquation des solutions aux besoins propres à leur main-d’œuvre. La disponibilité et l’intégration généralisée des technologies dans le domaine des ressources humaines contribuent à renforcer ces capacités de suivi. 

4. Progression vers les régimes d’avantages sociaux flexibles et modulaires

Bien qu’une majorité d’employeurs (54 %) offrent des régimes d’avantages sociaux traditionnels, les régimes flexibles gagnent en popularité d’année en année (présents chez 16 % des employeurs et dans 36 % des grandes entreprises). 

Depuis 2020, on observe en effet une baisse de 12 % dans l’adoption de régimes d’avantages sociaux traditionnels proposant des choix qui se limitent à l’assurance vie, à l’assurance décès ou mutilation accidentels ou à l’assurance maladie grave.  

En parallèle, une diminution de 16 % a été observée dans le cas des régimes exigeant un délai de carence précédant l’admissibilité aux avantages sociaux. Ces ajustements reflètent les efforts déployés pour attirer les talents en augmentant la flexibilité et en levant les obstacles à l’accès aux avantages sociaux pour les nouvelles embauches. 

Le régime traditionnel comportant une allocation de dépenses est toujours offert dans 30 % des organisations et demeure le choix privilégié des PME. 

Le régime flexible et modulaire, qui comprend un éventail d’options et qui demande au personnel de participer au paiement d’une partie de la prime d’assurance, est offert par 13 % des employeurs, dont 29 % sont de grandes entreprises. 

Parmi les 59 % des employeurs offrant des crédits, la plupart préfèrent attribuer des crédits flexibles en utilisant un montant fixe en dollars (44 %), tandis que 11 % offrent un montant fixe en dollars et un pourcentage du salaire. 

5. Leadership inclusif

Dans un contexte de travail où coexistent quatre générations, chacune ayant des attentes distinctes, des leviers de motivation variés et des visions de carrière qui leur sont propres, la gestion de la relève se pose comme une problématique complexe et le leadership inclusif émerge comme un prérequis essentiel.  

Pour tenir compte des nuances générationnelles et favoriser l’engagement de manière efficace, il devient impératif de repenser les approches traditionnelles de gestion. Les leaders doivent adopter une perspective inclusive qui reconnaît et valorise les contributions de chacun, indépendamment de l’âge, du parcours professionnel ou des attentes individuelles. 

Les entreprises proactives reconnaissent cette réalité et investissent dans le développement de compétences managériales qui favorisent la collaboration intergénérationnelle, l’innovation et l’engagement durable. 

À retenir 

Alors qu’elles luttent toujours pour attirer et fidéliser les meilleurs talents, les organisations désignent la rémunération comme étant le facteur déterminant du roulement du personnel. Cela dit, les approches stratégiques et holistiques s’avèrent essentielles pour garantir un bien-être organisationnel durable, favorisant ainsi un environnement de travail sain et productif. 

L’étude de Gallagher sur le bien-être organisationnel a permis de mettre en lumière les tendances clés et certaines pratiques adoptées par les organisations. Parmi celles-ci, l’amélioration de la rémunération globale et la promotion d’un environnement de travail flexible sont devenues des priorités incontournables. De même, l’intégration de normes de diversité et d’inclusion, l’utilisation croissante des technologies RH, la transition vers des régimes d’avantages sociaux flexibles et l’émergence du leadership inclusif marquent des évolutions significatives dans le paysage professionnel canadien.  

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