Le présentéisme en télétravail, un phénomène à surveiller
Avec l’implantation massive du télétravail, le présentéisme n’a pas disparu du bureau; au contraire, ce phénomène est devenu plus difficile à détecter par les gestionnaires. Yarledis Coneo, responsable du centre d’expertise famille-travail de Concilivi, nous en dit plus sur le sujet.
Qu’est-ce que le présentéisme?
Traditionnellement, le présentéisme est le fait de travailler en étant malade. Récemment, les chercheuses Maria Karanika-Murray et Caroline Biron ont cependant proposé une nouvelle définition de ce concept en le désignant comme étant un comportement adaptatif visant à équilibrer la santé physique et mentale, et les performances au travail.
Quoi qu’il en soit, le présentéisme ne devrait pas être encouragé sur une longue période par les organisations, car il mène souvent à de l’absentéisme prolongé. « Ceux qui font du présentéisme aujourd’hui seront nos absents de demain », soutient Mme Coneo.
Les quatre types de présentéisme
Il existe généralement quatre types de présentéisme, chacun comportant ses propres caractéristiques et enjeux.
Présentéisme fonctionnel
Le salarié qui pratique le présentéisme fonctionnel continue de travailler alors qu’il a des problèmes de santé. Par exemple, une personne qui souffre de troubles musculosquelettiques (TMS), comme un mal de dos, peut rentrer au bureau sans avoir à s’absenter. En outre, le présentéisme fonctionnel peut faciliter le retour au travail après une longue absence pour cause de maladie; éviter l’accumulation du travail et aider à maintenir les relations interpersonnelles avec les collègues. Cependant, le présentéisme fonctionnel – la personne maintient un certain niveau de performance qui n’aggrave pas son état – devient l’objectif ultime et le point de sortie du présentéisme.
Présentéisme dysfonctionnel
Le présentéisme dysfonctionnel survient lorsqu’un employé se présente au travail en étant malade parce qu’il a trop à faire et que son milieu ne lui permet pas de s’absenter. Ce type de présentéisme est mauvais à la fois pour la performance et pour la santé, car la personne concernée va essayer de maintenir un certain niveau de performance. Un employé qui pratique ce type de présentéisme pendant une longue période voit ses risques d’absence prolongée augmenter pendant les deux années suivantes.
Présentéisme thérapeutique
Avec le présentéisme thérapeutique, le travail devient un refuge pour l’employé qui traverse une période difficile. On peut penser à quelqu’un qui devient subitement proche aidant. En travaillant, le salarié change d’environnement, socialise avec ses collègues et se plonge dans son travail pour éviter de penser à ses soucis. Comme lors d’un retour progressif au travail, la productivité à court terme est plus faible, mais l’engagement au travail augmente à long terme.
Présentéisme excessif ou surengagement
Ici, le salarié recherche la performance en accélérant la cadence, en ne prenant pas de pauses, en accumulant des heures de travail et, surtout, en ne prenant pas ses congés. La performance est certes maintenue, mais les risques pour la santé cardio-vasculaire et les risques d’épuisement professionnel sont élevés à long terme, sans parler du stress et de l’anxiété.
Les causes du présentéisme
Qu’est-ce qui pousse un employé à se rendre au travail alors qu’il devrait se reposer? En fait, il existe plusieurs types de raisons.
Raisons personnelles
Les raisons personnelles touchent directement l’employé et ne découlent pas de l’organisation. En voici quelques-unes :
- Culpabilité; par exemple un salarié peut refuser de s’absenter du travail pour ne pas surcharger ses collègues.
- Problèmes financiers; à titre d’exemple, une personne ne prend jamais de congés non rémunérés, car son budget ne le lui permet pas.
- Surengagement au travail; autrement dit, un salarié est trop accaparé par son emploi.
- Personnalité; certains types de personnalités sont plus enclines à faire du présentéisme que d’autres.
Raisons liées à l’organisation
Plusieurs raisons découlent aussi de l’entreprise. « Une organisation ne peut pas agir sur les éléments personnels, mais elle a une emprise sur certains éléments liés à l’organisation », explique Mme Coneo.
Voici les plus fréquentes :
- Manque de flexibilité dans l’horaire de travail; par exemple, un travailleur pourrait être porté à faire du présentéisme s’il doit respecter un horaire fixe.
- Refus d’un congé; un salarié qui se fait refuser un congé sera plus susceptible de faire du présentéisme.
- Absence de soutien de la part des collègues et du gestionnaire; une personne qui se sent jugée chaque fois qu’elle demande congé sera plus portée à faire du présentéisme.
- Manque d’autonomie; moins un employé est autonome dans l’exécution de ses tâches, plus il est susceptible de faire du présentéisme.
- Manque de reconnaissance; l’absence récurrente de reconnaissance par le supérieur ou les pairs peut pousser un salarié à se rendre au travail alors que sa situation physique ou mentale devrait l’inciter à prendre un congé.
Le rôle du gestionnaire dans le présentéisme
L’une des clés pour diminuer le présentéisme au travail est le soutien organisationnel, et cela passe nécessairement par le soutien des gestionnaires. « L’organisation fait partie de la solution », avance la spécialiste en ressources humaines.
Le gestionnaire pourrait ainsi offrir à ses collaborateurs de l’aide formelle et informelle, directe et indirecte. Par exemple, il pourrait orienter un salarié qui vit une séparation vers le programme d’aide aux employés de l’entreprise; encourager une personne à utiliser ses heures en banque pour prendre congé; ouvrir la discussion sur les heures supplémentaires; faire connaître les mesures de conciliation famille-travail en place dans l’organisation, etc.
Les employés qui souhaitent demander congé ne devraient jamais craindre d’en parler à leur supérieur. Le gestionnaire devrait ainsi créer un climat de confiance et d’ouverture, et ce, sans jugement.
Bref, les gestionnaires occupent une place importante dans la lutte contre le présentéisme au travail. Grâce à une meilleure compréhension du phénomène et au recours aux bons outils, ils peuvent soutenir adéquatement leurs collaborateurs, et ce, tant en présentiel qu’en télétravail ou en mode hybride.