Comment favoriser l’autogestion en santé mentale au sein des équipes
Plus d’une personne sur deux serait aux prises avec des difficultés de santé mentale au Canada, d’après une récente enquête menée par une nouvelle chaire de la faculté des sciences sociales de l’Université Laval. Martin Binette, directeur général adjoint et chef de l’exploitation de l’organisme national en santé mentale Relief, nous parle de l’autogestion, une approche pouvant aider à les prévenir, notamment dans le milieu du travail.
Une nouvelle chaire de recherche en santé mentale
Initiative née d’un souci d’améliorer la santé mentale des travailleurs et d’un partenariat avec Relief et la compagnie d’assurance Beneva, la chaire de recherche Relief en santé mentale, autogestion et travail de l’Université Laval vise à promouvoir l’autogestion et à aider à mieux soutenir les employés dans les entreprises, notamment en :
- Colligeant des données sur l’état de santé mental des travailleurs au Canada. Pour ce faire, elle a mené une enquête pancanadienne dans les PME, qui a entre autres révélé que 55 % des employés rapportaient vivre avec au moins une difficulté de santé mentale.
- Proposant des avenues et des pistes de solutions pour les organisations afin de les aider à réduire la prévalence des maladies mentales en milieu de travail, qui a connu une hausse considérable depuis le début de la pandémie.
L’autogestion : pour reprendre le contrôle
« L’autogestion se définit comme la responsabilisation de l’individu dans son parcours vers le rétablissement, dit Martin Binette. C’est (re)donner le pouvoir à la personne qui vit un problème de santé mentale en la plaçant au cœur des décisions la concernant. Son implication, sa prise de conscience et son action sont nécessaires. »
On considère souvent cette approche comme le « troisième pilier » du traitement de la maladie, un complément au suivi médical et à la psychothérapie.
L’autogestion se fonde sur quatre éléments, qui correspondent à l’acronyme CECA :
- (re)connaître ses symptômes et la réalité de sa maladie;
- évaluer quels éléments (positifs ou négatifs) de son environnement peuvent affecter sa santé mentale;
- choisir les bonnes actions à entreprendre pour limiter l’impact de la maladie;
- agir en conséquence.
L’autogestion en entreprise
Recourir à l’autogestion en entreprise apporterait d’énormes bénéfices, selon Martin Binette.
« Elle s’applique très bien dans un milieu de travail. Si on est capable de donner des outils aux employés pour qu’ils aient plus de contrôle sur leur santé mentale et de diminuer l’impact des facteurs de stress, tous les membres de l’organisation en bénéficieront. »
En transposant le modèle du CECA dans le milieu professionnel, on se donne la possibilité de déterminer quels sont les éléments anxiogènes, d’évaluer les réactions dans des situations données, de se doter de moyens pour améliorer le bien-être et de mettre ceux-ci en application. On contribue ainsi tant à la santé de l’individu qu’à celle de l’entreprise.
« L’autogestion, c’est aussi outiller chacun des membres de l’organisation dans son contexte », ajoute l’expert :
- l’employé, pour qu’il soit en mesure de bien gérer ce qu’il peut contrôler;
- le gestionnaire, pour qu’il puisse reconnaître les signes et symptômes chez ses employés, savoir comment agir et choisir les bonnes interventions;
- l’organisation, pour l’amener, par exemple, à savoir s’il existe des comportements stigmatisants ou des façons de faire susceptibles de créer un environnement malsain dont on n’était pas conscient au sein de l’entreprise.
De l’aide pour éliminer les barrières
En partenariat avec le Conseil du patronat du Québec, Relief propose un programme de soutien destiné aux organisations, Relief Affaires, qui aide celles-ci à travailler en amont pour prévenir les difficultés de santé mentale (anxiété, dépression, bipolarité) au sein de leurs équipes.
« Plusieurs entreprises nous ont mentionné la très faible utilisation par les employés des services (PAE, assurance collective, télémédecine, etc.) leur étant offerts », note Martin Binette. Ce recours très limité serait notamment dû à certaines barrières, comme la crainte de perdre son emploi, d’être jugé, de rater une promotion, etc.
Utiliser ou non ces services relève cependant de la responsabilité de l’employé, indique l’expert. « C’est un peu comme un cercle vertueux : aide-toi, et l’entreprise t’aidera, et ces démarches pourront faire en sorte qu’éventuellement, la culture d’entreprise va changer. »
Une autre barrière possible : la méconnaissance de ce que sont les difficultés de santé mentale. « Plusieurs personnes vivent avec une difficulté sans le savoir. Elles pensent que c’est la réalité. Certaines vont endurer des souffrances monumentales, alors qu’on aurait pu travailler en amont à éliminer les barrières à la recherche d’aide, à faire la promotion des outils disponibles, à déstigmatiser, à éduquer… »
« Cent pour cent des gens ont une santé mentale. Ce n’est pas parce qu’une personne va bien aujourd’hui que ce sera toujours vrai. Alors, cette éducation est nécessaire pour lui permettre, lorsque ça ira moins bien, de se rappeler qu’elle dispose de ressources et de se sentir capable d’y recourir. »