Télétravail, santé et sécurité : quelles responsabilités pour l’employeur?

Francine Legault axe sa pratique sur la santé et la sécurité du travail, notamment en intervenant devant les conciliateurs et les décideurs de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) et du Tribunal administratif du travail (TAT).

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Bien que beaucoup d’employés sont présentement en télétravail, cela ne réduit pas pour autant les responsabilités des employeurs en matière de santé et de sécurité.

Mais de quelle manière cela peut-il se traduire dans notre contexte actuel? Me Francine Legault, avocate-conseil pour le cabinet Norton Rose Fulbright, nous éclaire à ce sujet.

Ce que dit la loi

L’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail est très clair : « L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique du travailleur », dont notamment « s’assurer que l’organisation du travail et les méthodes et techniques utilisées pour l’accomplir sont sécuritaires et ne portent pas atteinte à la santé du travailleur ». De plus, la jurisprudence québécoise comprend plusieurs décisions où des lésions professionnelles survenues au domicile d’un employé lors de périodes de télétravail ont été reconnues, selon le contexte, à titre d’accident du travail ou de maladie professionnelle.

Les responsabilités de l’employeur

Or, s’il est facile pour un employeur d’exercer un certain contrôle sur le milieu de travail physique, la tâche devient plus compliquée en mode télétravail. « Dans son établissement, un employeur peut avoir accès à toute une équipe de spécialistes, à un service de santé, à un représentant à la prévention, à un ergonome, etc. pour prévenir ou traiter les lésions professionnelles de ses employés. À distance, cet exercice devient beaucoup plus difficile », explique Me Legault.

Même si un employeur désire vérifier l’environnement de travail de son employé à son domicile, afin d’éviter de potentielles blessures issues d’une mauvaise ergonomie, par exemple, cela pourrait constituer une atteinte aux droits et libertés de l’employé, et une intrusion dans sa vie privée.

Volet prévention

Pour que les gestionnaires puissent remplir dûment leurs devoirs, l’avocate suggère plutôt de procéder par mode virtuel. « On peut très certainement demander à nos employés de nous faire parvenir des photos et des vidéos de leur environnement de travail et ainsi s’assurer qu’il est adéquat. Ceux-ci pourraient même envoyer des photos illustrant leur position de travail, lesquelles pourraient ensuite être soumises à une analyse par un service d’ergonomie. Au besoin, des recommandations sur l’ajustement du poste pourraient être faites aux télétravailleurs », indique Me Legault.

Compte tenu de cette autre solution, la visite de l’employeur au domicile de son employé n’apporterait pas une grande valeur ajoutée. Sans compter qu’une telle visite pose des problèmes juridiques et pourrait ternir les relations de travail. Toutefois, l’avocate invoque une exception : « Si un employeur offrait les services d’un ergonome à domicile et qu’un employé en faisait la demande, bien qu’onéreuse, une telle démarche pourrait être acceptable ».

Par ailleurs, toujours dans un but de prévention, l’employeur pourrait fournir une liste de ressources autant sur les aménagements nécessaires pour assurer la sécurité physique que sur les bonnes habitudes à prendre pour maintenir une bonne santé psychologique. Il peut s’agir de liens vers des sites Internet de physiothérapeutes, d’ergonomes, de psychologues ou encore d’une formation virtuelle en la matière.

« Dans le contexte particulier de télétravail dans lequel nous évoluons, je vois trois actions importantes que tout employeur devrait poser : tout d’abord, réitérer aux employés l’importance de déclarer le plus tôt possible tout accident de travail ou toute maladie professionnelle, mettre sur pied un mécanisme de déclaration des lésions professionnelles accessible à distance et finalement, mettre ses employés en contact avec les ressources spécialisées de l’entreprise en matière de santé et de sécurité afin de leur assurer un environnement de travail le plus sécuritaire possible », conseille l’avocate.

En matière de réparation

À titre informatif, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit un régime universel d’indemnisation sans égard à la responsabilité de quiconque — le no-fault, en anglais —, tout comme le régime de la Société de l’assurance automobile du Québec pour les accidentés de la route. « Ainsi, même si un travailleur commet une faute dans l’exercice de ses fonctions, malgré l’évaluation de son espace de travail et la consultation des ressources sur le sujet, dans la mesure où les critères d’admissibilité prévus dans la Loi sont satisfaits, sa réclamation sera acceptée par la CNESST. Le seul scénario qui se solderait en un refus consiste en une négligence grossière et volontaire de la part du travailleur, ce qui, en contexte de télétravail, est peu vraisemblable », explique Me Legault.

 

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